Alors que la série Netflix américaine Les Chroniques des Bridgerton est acclamée par la critique dans de nombreux pays, elle fait aussi grincer des dents. Son utilisation accessoire de personnages homosexuel(le)s est contreproductive. Afin d’appâter l’auditoire queer, accroître le nombre de visionnements et rentrer dans le moule de la « série qui prône la diversité », la série échoue l’objectif de la représentation. On appelle ça le queer-baiting (l’appât à queer). D’un point de vue moral, ce n’est pas glorieux, cette pratique peut aussi être néfaste pour les minorités sexuelles.
Le queer-baiting c’est cette facilité de représenter une minorité sexuelle en la gardant dans le second plan pour attirer l’audience queer tout en évitant « d’exclure » le public principal qui est souvent hétérosexuel et cisgenre. Dans le cas des Chroniques des Bridgerton — cette série à l’époque de la Régence anglaise où huit frères et sœurs d’une riche famille tentent de trouver l’amour —, le problème se pose quand le personnage de Benedict, l’un des frères Bridgerton, rencontre un artiste peintre. Tout de suite, on sent qu’il y a des regards qui pourraient nous faire penser que les deux hommes se plaisent. Il y a une alchimie qui reste en suspens et à laquelle on s’attache jusqu’à ce que l’on découvre que le peintre est gai, mais que Benedict est hétérosexuel. Alors on peut comprendre une certaine déception de la part de communauté queer qui aurait pu espérer être représentée à travers cette potentielle histoire d’amour entre les deux hommes. On se demande donc si le queer-baiting est un signe de progrès ou plutôt une exploitation des personnes queers.
Le danger qui recèle dans cette utilisation facile des personnages queers à des fins commerciales, est la mauvaise représentation de personnages issu(e)s des minorités sexuelles. En continuant le queer-baiting, le corps artistique perpétue l’imaginaire comme quoi les personnages queers n’ont pas le droit d’avoir le premier rôle avec une vie dite « normale » et heureuse sans se fondre dans la masse des personnages principaux hétérosexuel(le)s et cisgenres qui se retrouvent souvent au premier plan.
L’autre danger est l’espoir de se voir représenté(e) de la part de la communauté queer pour finalement se sentir invalidé(e) au moment où le couple que l’on espérait homosexuel est finalement hétérosexuel. C’est donc ici que se cachent les techniques de marketing employées qui surfent sur la vague de la diversité pour attirer ce public qui finit déçu et désenchanté. Ces stratégies commerciales néfastes finissent par instrumentaliser des orientations de genre et des orientations sexuelles sans pour autant les représenter d’une juste manière.
Néanmoins, la représentation des personnages queer est nécessaire et il est crucial qu’elle soit positive. Pendant plusieurs années, les personnages homosexuel(le)s dans les films et séries télévisées avaient une histoire de vie compliquée, torturée, voire tragique. On peut prendre l’exemple du film Souvenirs de Brokeback Mountain, l’histoire de deux hommes dans le milieu rural des États-Unis qui tombent amoureux dans les années 1960. Au Québec, dans la série télévisée de 2005, Les Invincibles, le personnage de Steve est bisexuel pourtant on le voit seulement fréquenter des femmes. Les scénaristes ne montrent donc pas vraiment l’étendue de sa sexualité et annihilent une partie tout aussi importante de son identité. C’est encore une fois une technique de scénarisation utilisée pour ne pas déranger ou même choquer le public hétérosexuel qui est souvent majoritaire.
Cependant, le Québec a quand même de belles représentations de personnages queers. Le réalisateur émérite Xavier Dolan a apporté un vent de fraîcheur dans la représentation des personnages homosexuels à l’écran. Dans le film J’ai tué ma mère sorti en 2009, on apporte une image positive du couple gai sans pour autant qu’il soit au cœur de l’histoire principale. C’est aussi un point important dans l’enjeu de la représentation positive que l’homosexualité d’un personnage ne soit pas tout ce qui le ou la représente, car dans la réalité les personnes ne sont pas qu’une seule chose, mais un tout de plusieurs.
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