La marionnette contemporaine : de la tradition au numérique 

La marionnette est un art dont les multiples techniques et subtilités sont à ce jour toujours méconnues du grand public : pourtant, la marionnette québécoise se démarque sur la scène internationale, notamment par son avant-gardisme et sa capacité à se renouveler au temps du virtuel.

« C’est comme si la marionnette pour adultes était particulièrement méconnue au Québec », explique la présidente de l’Association québécoise des marionnettistes (AQM), Maude Gareau. Parfois oublié de la scène culturelle québécoise, le théâtre de marionnettes est souvent associé à l’enfance ou à des techniques désuètes de la pratique. Le rayonnement des membres de l’association se porte pourtant à merveille à l’international, notamment en raison du caractère novateur de la pratique au Québec. L’UQAM fait par ailleurs partie des rares institutions offrant une formation riche et complète sur l’art de la marionnette. 

C’est justement dans l’objectif d’innover que Paola Huitrón, étudiante à la maîtrise en théâtre à l’UQAM, a trouvé les bases de son projet de recherche de maîtrise, intitulé Principes et enjeux de l’animation-manipulation d’une marionnette virtuelle. À l’ère où le numérique apparaît comme essentiel pour capter l’attention des nouvelles générations, l’étudiante explique son désir « d’explorer une nouvelle matière » lors de sa conférence-démonstration présentée le 26 novembre dernier. À l’aide de Gabriel Tran, concepteur visuel également étudiant à l’UQAM, Paola Huitrón a développé une marionnette pouvant être manipulée avec le port d’un casque de réalité virtuelle. 

La recherche de Mme Huitrón fait un parallèle entre la relation d’un marionnettiste avec sa marionnette et celle d’un adepte de jeux vidéo avec son avatar. Ainsi, elle concrétise la grande place qu’occupe le concept marionnettique – soit celui de modéliser un objet et de lui donner vie – dans le quotidien des gens.

Dans un jeu vidéo comme Mario Bros, les différentes fonctionnalités qui permettent aux avatars d’effectuer des mouvements sont toujours les mêmes. En d’autres termes, l’action de courir ou de sauter, par exemple, sera toujours conceptualisée de la même façon et ne différera jamais d’une fois à l’autre. « Mon intérêt était plutôt d’avoir un registre plus large afin de donner des intentions aux mouvements », précise l’étudiante originaire du Mexique. Elle mentionne aussi l’importance d’ajouter ces couches d’expressivité pour compenser l’absence corporelle de l’interprète dans la réalité virtuelle. Les résultats de sa recherche apparaissent comme le fruit d’une étude brillante et innovante, à la fois pour le monde du spectacle, de la marionnette ainsi que celui du monde virtuel. 

À la croisée des disciplines artistiques 

« L’une des spécificités du théâtre de marionnettes contemporain, c’est la coprésence de la marionnette et de l’interprète », souligne la coordonnatrice du diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en théâtre de marionnettes contemporain de l’UQAM, Dinaïg Stall. En Europe ou en Asie, les techniques utilisées sont beaucoup plus traditionnelles, notamment avec la marionnette à fils, par exemple.  Au Québec, les interprètes de la marionnette ne cherchent plus à créer l’illusion que la marionnette agit seule. Aujourd’hui, l’art de la marionnette comprend à la fois l’identité artistique du marionnettiste et celle de son pantin. 

Le professeur invité et coordonnateur par intérim du DESS en théâtre de marionnettes contemporain à l’UQAM, Antoine Laprise, a souligné la divergence des spécialisations de la communauté étudiante, qui pourrait expliquer cette coprésence : « On a des gens […] qui ne [travailleront] pas nécessairement dans la performance ou sur scène ». Il est notamment question d’élèves en provenance des domaines de la scénographie, des arts visuels ou de l’interprétation théâtrale, entre autres. Au-delà de la performance associée au spectacle de marionnettes, la pratique de cet art peut requérir des compétences extrêmement variées : jeu, mime, danse, musique, théâtre d’ombres, etc. Mme Huitrón y a d’ailleurs joint la conception numérique.

La principale compétence acquise par un(e) étudiant(e) à la fin du DESS est toutefois claire pour Dinaïg Stall : « Je pense que c’est une personne qui va avoir développé son propre univers artistique, exprime-t-elle sans hésitation. On essaie d’offrir des outils beaucoup plus transversaux pour que les personnes s’en emparent en fonction de ce qui les intéresse. »

La culture, bénéficiaire du numérique 

En raison des circonstances entourant la COVID-19, Mme Huitrón a présenté sa conférence-démonstration via la plateforme de réunion Zoom. L’étudiante ne saurait dire si la tenue virtuelle de sa présentation a nui au produit final ou si elle a justement servi son contenu.  

« J’ose croire que le milieu de la marionnette a une grande résilience et une grande capacité d’adaptation », conclut la présidente de l’AQM en réaction aux événements liés à la situation sanitaire actuelle. La pandémie ayant causé une crise sans pareille dans le milieu des arts vivants, elle explique que le Québec assiste à des changements considérables dans la façon de partager les différents produits culturels des artistes. Cependant, Maude Gareau soulève la perte du milieu artistique dans ce revirement vers le numérique : « Il y a une partie de ce que tu fais qui ne s’accomplit pas quand tu ne rencontres pas le public. On a besoin de lui. » Le virtuel permet peut-être à l’art de continuer d’être vivant à travers l’écran, mais les artisans de la marionnette ont hâte de retrouver la scène et leur auditoire.

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