Alors que la communauté LGBTQ+ se dit pourtant ouverte et tolérante, les hommes bisexuels se butent toujours à des stéréotypes et peinent à sortir de l’ombre.
Plus de la moitié (52%) de la communauté LGBTQ+ s’identifie à une orientation bisexuelle, selon un rapport de Movement Advancement Project. Pourtant, environ deux fois moins d’hommes que de femmes s’auto-identifient comme tels, constate le professeur au département de sexologie de l’UQAM, Dominic Beaulieu-Prévost.
S’il est vrai que l’expérience de la fluidité sexuelle est davantage documentée comme une expérience typiquement féminine et que les hommes ont davantage tendance à s’identifier comme monosexuels (hétérosexuel ou homosexuel), M. Beaulieu-Prévost rappelle qu’il ne faut pas négliger les nombreux facteurs nuisant à l’autodévoilement des hommes bisexuels, notamment les préjugés et le manque de représentativité.
Les stéréotypes entourant la bisexualité sont persistants, explique Mireille Saint-Pierre, intervenante au centre de renseignements et d’aide à l’intention de personnes concernées par la diversité sexuelle Interligne. Tant au sein de la population générale que de la communauté LGBTQ+ elle-même, cette orientation est perçue comme « une période de transition, et non comme une orientation fixe ».
Ces préjugés se manifestent toutefois différemment selon le genre de la personne bisexuelle. Les femmes bisexuelles sont accusées d’être des hétérosexuelles en quête d’attention, trahissant ainsi les « vraies » lesbiennes, tandis que les bisexuels sont vus comme des gais qui ne s’assument pas, ajoute Mireille Saint-Pierre.
Cette réalité mène parfois à une biphobie internalisée et à une tendance à s’invisibiliser soi-même, déplore-t-elle. D’un choix conscient ou non, plusieurs se limitent à des partenaires de sexe opposé afin d’éviter de faire une sortie du placard et de subir une stigmatisation.
« C’est dur de faire un coming out quand tu as peur de te faire juger par les gens », se confie Alexandre*, un jeune homme bisexuel de 22 ans. Si son coming out a été bien accueilli par ses amis et amies proches, il n’a toujours pas osé révéler son orientation sexuelle à ses parents.
Deux poids, deux mesures
La bisexualité féminine tend à être davantage visibilisée que la bisexualité masculine, car les sociétés fétichisent la sexualité entre femmes, et ce, dans l’optique de plaire à l’œil masculin, avance Mireille Saint-Pierre.
« Il y a une objectification : la femme bisexuelle étant vue comme étant plus sexuelle, elle est vue positivement », remarque Dominic Beaulieu-Prévost.
Tandis que les femmes bisexuelles sont représentées dans les médias (films, émissions, publicités) de manière hypersexualisée et stéréotypée, les modèles bisexuels masculins sont pratiquement absents.
Les relations entre hommes ne sont pas autant valorisées que les relations entre femmes, en raison du phénomène de la masculinité toxique, symptôme d’une société patriarcale et misogyne, croit Mireille Saint-Pierre. « Il y a cette pression sur les hommes d’être virils, et c’est comme si avoir une attirance envers le même sexe fait d’eux des hommes moindres », explique l’intervenante d’Interligne.
Vers de nouvelles représentations
Pour Mireille Saint-Pierre, lever le voile sur l’identité bisexuelle masculine doit commencer par l’éducation sexuelle : il faut défaire les mythes sur la bisexualité et « briser les rôles et les stéréotypes de genre qui sont extrêmement ancrés dans nos sociétés et qui jouent un grand rôle dans l’homophobie et la biphobie. »
La diversification des modèles dans l’espace public est également essentielle au bien-être des jeunes hommes bisexuels, afin de favoriser leur processus d’acceptation et d’affirmation de soi. Alexandre confie n’avoir connu aucun modèle d’homme bisexuel auquel il pouvait s’identifier, ce qui a rendu son processus de découverte de soi complexe.
« Je me suis dit: est-ce que c’est normal que j’aime autant les hommes que les femmes? Pendant un moment, je me demandais si j’allais bien. […] Je ne comprenais pas pourquoi j’aimais autant les hommes que les femmes. » Il affirme avoir compris, au fil du temps, que « si une femme est capable d’être bisexuelle, c’est que nécessairement un homme est capable de l’être aussi. »
*Nom fictif afin de préserver l’anonymat.
Illustration Lila Maitre | Montréal Campus
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