Qu’il s’agisse d’une intrusion dans une porcherie ou de vandalisme visant des restaurants, les activistes antispécistes scandent leurs convictions suffisamment fort pour faire écho dans les médias. Les militants et les militantes pour la cause animale ont avivé le discours politique au Québec dans les derniers mois. Regard sur ce mouvement social grandissant.
« Il y a vraiment une urgence d’agir présentement, et l’urgence vient souvent avec le fait de faire des actions qui sont plus radicales ou qui peuvent paraître plus violentes », explique une membre du Collectif Antispéciste pour la Solidarité Animale, Marilou Boutet. Selon elle, des milliers d’animaux meurent en ce moment même « à cause de notre façon de vivre en société ».
Cette association lutte contre le spécisme, idéologie où une espèce est supérieure à une autre – souvent l’humain par rapport aux animaux.
Pour l’étudiante en féminisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), presque toutes les manières de diffuser leur message sont bonnes. Bien qu’elle n’ait jamais pris part à un coup d’éclat, elle trouve cette démarche pertinente et envisage de participer à de telles actions.
« Tous les mouvements sociaux ont commencé à obtenir ce qu’ils voulaient quand ils se sont mis à être plus radicaux puis à varier les techniques », affirme celle qui ne mange plus aucun produit issu des animaux depuis quatre ans.
« Est-ce que je suis pour le vandalisme? Non, mais je suis encore moins pour l’exploitation animale », précise l’activiste antispéciste Emy Ruel. Pour la membre du groupe Direct Action Everywhere (DxE), à l’origine des manifestations qui se sont déroulées à l’épicerie Rachelle Béry en décembre dernier et au restaurant Joe Beef en janvier dernier, « la désobéissance civile est super importante pour les mouvements sociaux et c’est nécessaire pour changer les choses ».
Végane depuis quatre ans, elle a personnellement pris part à l’action collective au Rachelle Béry le 9 février dernier. Une vingtaine de militants et de militantes s’étaient retrouvé(e)s devant l’étalage des viandes de l’épicerie spécialisée en produits biologiques afin de scander des slogans antispécistes.
Intimidation
Selon les Éleveurs de porcs du Québec, ce genre d’action ne vise plus « à sensibiliser, mais plutôt à imposer une idéologie ». Une membre de l’association qui a préféré taire son nom affirme aussi que « par l’intrusion, [les activistes viennent] compromettre la sécurité des animaux, la santé et le bien-être de ceux-ci ». L’intrusion commise dans une ferme à Saint-Hyacinthe en décembre dernier aurait apporté un virus chez les porcs et entraîné la mort de porcelets, selon la copropriétaire de l’entreprise agricole Porgreg, Josiane Grégoire.
Une injonction a d’ailleurs été émise en février dernier afin d’empêcher les membres du groupe DxE de s’approcher à moins de 500 mètres d’un bâtiment d’élevage.
Mais ça ne s’arrête pas là. Les Éleveurs de porcs du Québec dénonce aussi l’intimidation que vivent les producteurs agricoles. « Ils reçoivent des commentaires haineux de gens qui ne savent pas comment ça se passe sur une ferme », témoigne la membre de la filiale porcine.
« Vivre et laisser vivre »
L’intimidation est un acte qui peut prendre la forme d’abus psychologiques et physiques et avoir des répercussions traumatisantes, détaille la cofondatrice de l’organisation Option Végane Canada, Alyssa Berris. « Il est donc difficile d’y être favorable, d’autant plus que dans le contexte du changement social, nous avons besoin d’un soutien populaire de masse. »
La militante pour la reconnaissance du droit des végétaliens et végétaliennes souligne qu’il y a une « énorme différence » entre la désobéissance civile et l’intimidation.
« On parle beaucoup des menaces qui sont faites aux producteurs laitiers ou porcins, mais on ne parle pas de l’intimidation qui est faite aux personnes véganes. Je reçois des menaces de mort toutes les semaines, dénonce Emy Ruel. On entend beaucoup ‘’vivre et laisser vivre’’, mais il faut penser que les véganes […] on veut juste laisser vivre tout le monde. »
Pour Marilou Boutet, membre du Collectif Antispéciste pour la Solidarité Animale, la désobéissance civile est définitivement nécessaire, car « on ne peut pas changer le monde si on ne […] choque pas d’abord. »
Cet article devait paraître dans l’édition papier du printemps 2020 qui a été annulée en raison de la COVID-19.
Crédit photo Suzanne Tucker | Unsplash
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