La collection d’oeuvres d’art de l’UQAM n’est pas tout à fait un secret, bien que peu de gens soient au courant de son existence. Gardé dans une chambre forte dont l’endroit exact demeure confidentiel, cet inventaire de 3890 œuvres ne cesse de grandir depuis la fondation de l’Université.
L’École des beaux-arts de Montréal et le Collège Sainte-Marie ont fusionné en 1969 pour créer l’UQAM. Née de cette fusion, la collection comprend entre autres près de trois mille gravures d’étudiants et d’étudiantes de l’atelier d’Albert Dumouchel, un lot de sculptures inuites et plusieurs tableaux d’artistes varié(e)s comme Françoise Sullivan et Michel Boulanger. Au fil des années, plusieurs œuvres s’y sont ajoutées, faisant de la collection l’une des plus volumineuses parmi les universités de la province.
L’artiste visuel Yann Pocreau, qui a contribué au développement de la collection en y faisant don de plusieurs oeuvres comme Ampoules, est catégorique : « Une université sans collection [d’art] serait l’équivalent d’une université sans bibliothèque. »
Bien que l’Université soit propriétaire de la collection, c’est la Galerie de l’UQAM qui la gère, des acquisitions aux expositions. La Galerie, par l’entremise de sa conservatrice adjointe Anne Philippon, administre aussi les prêts de la collection, qui sont exposés à divers endroits dans l’UQAM, principalement dans les bureaux de la direction et dans quelques salles de réunion. Il est aussi possible d’apercevoir les boîtes lumineuses de Roberto Pellegrinuzzi, Mettre en lumière, au pavillon Adrien-Pinard, ou la verrière Spektroskop de Lisette Lemieux, au pavillon Athanase-David.
Choisir les oeuvres
Ce n’est qu’à la fin des années 80 qu’une réelle réflexion sur le développement de la collection prend forme. Auparavant, les acquisitions de la collection étaient faites selon le bon vouloir des administrateurs, permettant ainsi l’entrée dans la collection de plusieurs oeuvres qui, aujourd’hui, n’ont pas de lien entre elles. La Politique no 8, adoptée en 1988, établit une ligne directrice : les acquisitions priorisées seront des « production[s] récente[s] d’artistes du Québec avec un intérêt particulier pour les créatrices, créateurs issus du corps professoral, des chargées de cours, chargés de cours et des étudiantes, étudiants de l’Université ».
La rumeur qui veut que l’UQAM soit propriétaire d’une momie est vraie, confirme Anne Philippon. « La momie c’est la curiosité de la collection, affirme-t-elle. On l’a exposée quelques fois à la Galerie, mais jamais bien longtemps. » Après une mésaventure à l’École des beaux-arts dans les années 60, la momie nommée Hetep-Bastet et son cercueil n’ont été restaurés qu’à la fin des années 90.
« Pour les cinq prochaines années, la momie sera au Musée des beaux-arts de Montréal, dans le cadre de leur exposition sur l’Égypte », explique Mme Philippon, qui souligne que le Musée est mieux équipé pour en prendre soin.
Une collection en deux temps
Depuis 2009, en marge de la collection principale se développe la Petite collection. Sous la responsabilité de la Galerie de l’UQAM, elle est constituée majoritairement d’objets multiples produits par divers artistes et est unique au Canada. Sa mission : porter un regard critique sur les différents modes d’expression contemporains. Pour l’artiste et professeur en arts visuels et médiatiques à l’UQAM Gwenaël Bélanger, la Petite collection est un atout pour la Galerie de l’UQAM. « C’est une manière de voir, de toucher et de parler d’œuvres d’artistes internationaux majeurs qu’il serait autrement impossible de voir de si près », explique celui qui, chaque année, amène ses étudiants et étudiantes examiner la Petite collection qui comprend des œuvres de l’Écossais David Shrigley et de la Vancouvéroise Dana Wyse.
L’attrait des « multiples », ces œuvres produites en série, est qu’elles sont souvent acquises à moindres coûts, et même, la plupart du temps, données. Il s’agit d’un aspect non négligeable pour les deux collections, qui ne reçoivent aucune somme d’argent de la part de l’Université pour l’acquisition. Leur seul financement provient du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la majorité des acquisitions de la collection sont faites par des propositions de dons, qui sont ensuite évaluées par l’équipe de la Galerie de l’UQAM. « Au total, ce sont en moyenne 20 œuvres qui sont ajoutées à collection à chaque deux ans », estime la conservatrice adjointe. Pour une collection universitaire, il s’agit d’un nombre enviable d’acquisitions.
Tournée vers l’avenir
Il n’est pas coutume pour une université d’avoir sa propre collection au Québec. Anne Philippon explique qu’il s’agit d’une tradition plutôt anglophone, voire américaine. À titre de comparaison, l’Université McGill possède le musée Redpath, qui se concentre principalement sur des expositions scientifiques, et l’Université Concordia possède quelques galeries d’art. Pourtant, aucun de ces deux établissements n’a sa propre collection puisque les œuvres présentées ne leur sont que prêtées.
Yann Pocreau est aussi d’avis que la collection de l’UQAM a un engagement réel face à l’art : « Savoir que le travail [fait en atelier] sera conservé pour toujours dans le respect et le soin continu est un honneur non mesurable. » Gwenaël Bélanger, ayant fait don d’œuvres à la collection, dont Logo Contest, une oeuvre qui allie ses talents de graphiste et d’artiste, souligne lui aussi l’importance de la conservation de l’art. « L’équipe de la Galerie fait vraiment bien les choses, et de manière rigoureuse », tient-il à mentionner. La Galerie engage fréquemment des étudiants et étudiantes en histoire de l’art pour aider à monter des dossiers de recherche en vue des prochaines acquisitions, remarque d’ailleurs Anne Philippon.
« En tant qu’enseignant, c’est certain qu’on aimerait plus y avoir accès, mais on comprend que la Galerie a des ressources limitées », exprime Gwenaël Bélanger. Certaines œuvres de la collection peuvent toutefois être admirées lors des différentes expositions à la Galerie.
Dans un article publié en 1990 dans le Montréal Campus, le directeur de la Galerie de l’UQAM de l’époque, Luc Monette, espérait un meilleur avenir pour la collection alors qu’elle comptait « une trentaine de peintures de moyens et grands formats, une dizaine de sculptures et plus de deux mille gravures ». Aujourd’hui, cette collection est devenue grande.
Cet article devait paraître dans l’édition papier du printemps 2020 qui a été annulée en raison de la COVID-19.
Crédit photo Galerie de l’UQAM
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