L’encan du confinement 

Alors que les portes des musées et des galeries d’art sont fermées, la page Facebook Les Encans de la quarantaine prend la relève et met de l’avant des oeuvres d’artistes québécois et québécoises par le biais d’un encan où tous et toutes peuvent miser. 

Créée le 18 mars dernier, la page Facebook Les Encans de la quarantaineregroupe déjà plus de 3 500 membres. Cette initiative de Sara A. Tremblay, artiste visuelle et technicienne au laboratoire de photo de l’UQAM, est née alors qu’elle venait de subir la vague de mise à pied temporaire qui a déferlé sur la population. 

Victime des conséquences économiques de la pandémie comme beaucoup d’autres, Mme Tremblay a réfléchi à un moyen de soutenir les artistes qui sont dans une situation précaire depuis le début de ce confinement obligatoire. « Et si on créait quelque chose où les gens peuvent miser sur des oeuvres tout en donnant de la visibilité aux artistes qui n’ont peut-être même pas de site Web, mais qui font de l’excellent travail », s’est-elle dit.

« Le groupe connaît un tel succès que j’ai été obligée de m’entourer pour gérer tous les dossiers qui arrivent par dizaine chaque jour », explique Sara A. Tremblay, qui a fait appel à des collègues investi(e)s dans le milieu de l’art visuel québécois. Ses acolytes et elle ne reçoivent aucun pourcentage des ventes et font donc un travail entièrement bénévole.

Une formule qui fonctionne

Le principe est simple : après avoir déterminé les oeuvres à mettre de l’avant, Sara A. Tremblay publie sur la page une photo et une description de la création qui sera mise à l’enchère. La publication inclut un prix de départ, pouvant varier entre 40 et 200 dollars, ainsi qu’une date butoir. Les mises se font dans les commentaires et lors de l’échéance, le ou la plus offrant(e) remporte l’objet, à condition d’avoir misé plus haut que la mise de fond de l’artiste. Peintures, sculptures, gravures, dessins, impressions : la page regroupe après un peu moins de deux mois plus de 70 oeuvres ayant toutes reçu au moins plusieurs offres. 

« J’ai acquis une oeuvre de Hubert Gaudreau […] Je ne connaissais pas la pratique d’Hubert, donc à mon sens, cette initiative est positive de multiples manières. L’encan permet de soutenir les artistes, de faire découvrir de nouvelles pratiques et de rejoindre différentes personnes », pense Anne Ribouillault-Roger, une des premières acheteuses de la page qui a obtenu une photographie pour 130 dollars.

L’engouement autour de la page est non seulement une source de motivation pour Sara A. Tremblay, mais aussi pour l’ensemble des artistes qui participent à l’initiative. Pour le peintre Olivier Lafrance, cette forme d’aide est une bénédiction pour tous les créateurs et créatrices affecté(e)s de près ou de loin par la COVID-19 : « Du point de vue d’un artiste, Les Encans de la quarantaine, c’est comme une petite tape dans le dos qui fait du bien. Ça permet de faire de nouvelles rencontres tout en restant chez soi et de conclure une vente, ce qui est motivant. » 

Une aide financière nécessaire

En plus de tisser des liens entre artistes, la page offre une plateforme de visibilité pendant que la majorité des créateurs et créatrices n’ont plus de moyens pour mettre leur art de l’avant. « J’ai parti ça sur Facebook parce que je voulais que le lien entre les acheteurs et les artistes soit très simple. Les artistes ont besoin d’une aide financière rapide et totale », réitère Mme Tremblay. 

Questionnée sur les possibles inconvénients d’une telle initiative, la peintre Laurence Pilon n’avait que de beaux mots pour la décrire. « Il s’agit d’un projet mis sur pied par des artistes, donc évidemment, ils comprennent les enjeux auxquels font face les artistes pendant la crise », explique-t-elle. 

L’expérience semble concluante selon Mme Tremblay, qui se fie à tous les suivis positifs des différent(e)s artistes qui ont fait affaire avec elle. « Mon oeuvre faisait partie de la première semaine de l’encan. Il n’y a pas eu de négociations à avoir dans mon cas, car l’oeuvre s’est vendue à un prix plus haut que mon prix de réserve. On a pris entente d’attendre quelques semaines pour le transport de l’oeuvre. Mais le paiement se fera d’ici quelques jours, via transfert interac », relate Mme Pilon. 

L’après-COVID

« J’espère que les activités du groupe vont pouvoir se poursuivre à long terme, peut-être même après la crise, on sait jamais. Si je pouvais devenir encanteuse de jeunes artistes pour le restant de ma vie, je serais très heureuse », explique Sara A. Tremblay. 

Après le confinement, les artistes auront toujours besoin de visibilité et Laurence Pilon est convaincue que l’initiative est positive pour le milieu des arts. Ce qui semble certain, c’est que tant que le confinement durera, la page ne cessera de se développer et d’aider des artistes d’ici. « L’encan est donc une aide sociale et financière considérable pour les artistes et une plateforme pratique pour ceux et celles qui ont les moyens d’encourager les artistes d’ici », ajoute Olivier Lafrance.

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