Le quotidien des Québécois et des Québécoises a été grandement chamboulé dans les dernières semaines. Pandémie oblige, le pays a fermé ses frontières le 21 mars dernier, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Alors que la haute saison touristique approche à grand pas, les impacts de ces limitations pourraient être majeurs dans ce secteur incertain.
Marie Jomphe-Lemay travaille dans le domaine du cinéma et a passé les deux derniers mois en Inde. Un peu avant son retour, le 22 mars dernier, elle entendait parler du coronavirus de manière détachée dans le pays. Puis, la crise s’y est rapidement installée.
Pour la jeune cinéaste, le plus dur était de recevoir des messages de ses proches lui demandant de rentrer au Québec. « J’étais à Varanasi [Nord de l’Inde, NDLR], dans les environs du 17 ou 18 mars, quand ma mère m’a annoncé qu’il ne restait qu’une seule place sur un vol pour le Québec, et que je devais partir dans quatre jours », explique Marie, qui a dû mettre fin à son voyage une vingtaine de jours avant la date initialement prévue.
« Quand je suis revenue de l’Inde, la seule chose que je me disais était ‘’Ok. Dès que c’est fini, je repars’’. Puis dernièrement, mes idées ont changé », confie Marie Jomphe-Lemay.
En effet, plusieurs plans de voyages devront être revus cet été. Selon le professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Alain A. Grenier, les impacts sur l’industrie touristique seront majeurs, notamment en termes de perte de temps et d’argent.
Depuis deux ans, la bachelière en communication à l’UQAM Laurie Côté réussit à concilier voyage et travail, en dédiant tout son temps l’été à son emploi pour lui permettre d’explorer diverses destinations le reste de l’année.
En janvier dernier, elle s’est envolée pour l’Australie. Tout juste après avoir pris la décision de quitter son emploi afin de prolonger son voyage, Laurie a appris qu’elle devrait rebrousser chemin. « En Australie, tout était vraiment déconnecté comparé au Canada. Les jours avant mon départ, les terrasses étaient pleines et les gens prenaient le tramway », raconte la jeune femme, de retour au Québec depuis la fin du mois de mars.
L’été aux aguets
Le retour au pays imprévu a été déstabilisant pour les deux voyageuses, qui devront revoir leurs plans pour les prochains mois. Bien que les mesures préventives aient déjà certaines conséquences économiques pour la province, les spécialistes prévoient une haute saison touristique plus difficile pour l’industrie.
Considéré comme un produit de luxe, le tourisme nécessite ce qu’on appelle un budget discrétionnaire, une somme d’argent pour un produit non essentiel, explique M. Grenier. « Quand on a des difficultés économiques, dit-il, la première chose qu’on fait, c’est couper sur le luxe : les loisirs, les produits de consommation de confort, etc. Le tourisme fait partie de ces produits-là. »
Toutefois, si la fin de la période de confinement concorde avec l’arrivée de la saison estivale, le professeur croit qu’une partie de la population pourrait s’endetter pour s’offrir un voyage. « Compte tenu du fait que les gens vont avoir été cloisonnés à la maison depuis la mi-mars, on pourrait penser qu’ils et elles seraient prêt(e)s à s’endetter pour s’offrir une petite douceur qu’ils vont considérer comme bien méritée, précise M.Grenier en appelant à la prudence. C’est un scénario possible. »
Cependant, il redoute que les gens retournent à leurs anciennes habitudes trop rapidement, c’est-à-dire qu’ils se relancent dans le tourisme international. Il rappelle que tant qu’il n’y aura pas de vaccin contre le virus, la menace sera toujours présente.
Voyager bleu
Du côté du ministère du Tourisme, on espère une relance forte. Chose certaine, lorsque les activités touristiques pourront se redéployer, le ministère souhaite d’abord et avant tout promouvoir le voyage à l’intérieur de son territoire. « [Une fois les mesures levées] nous voudrions bien sûr, dans un premier temps, inviter les Québécois à découvrir ou à redécouvrir la destination unique et extraordinaire qu’est le Québec », a précisé par courriel le cabinet de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx.
Pour l’instant, il semble encore difficile de penser à faire des plans pour les vacances en ces temps incertains. Même si elle admet que rentrer prématurément au Québec a été un choc, Marie Jomphe-Lemay tente de voir le confinement comme une opportunité unique plutôt qu’une catastrophe.
« C’est certain que je me demande parfois combien de temps ça va prendre pour voyager à l’étranger après tout ça, confie Marie. Il faut laisser le temps passer, et en profiter pour l’arrêter aussi. »
Photo Florian Cruzille | Montréal Campus
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