Si la misogynie fait partie de l’art et de la musique, certaines femmes ont trouvé comment l’apprécier tout en aiguisant leur esprit critique.
Dans le cadre du Festival international de musique POP Montréal, quatre féministes se sont réunies lors d’une table ronde pour répondre à la question suivante : « Pourquoi aimons-nous la musique misogyne ? » Samedi le 28 septembre, au sous-sol du Théâtre Rialto, les artistes Backxwash, Naïka Champaïgne et Hua Li ainsi que la modératrice Shanice Nicole ont pris part à une discussion introspective qui touche les adeptes de musique dégradante, dont elles font partie.
Au-delà du portrait binaire que l’on pourrait s’en faire, la misogynie se traduit par le mépris des femmes par n’importe quel groupe ou personne, quel que soit son genre. Tel que le mentionne Naïka Champaïgne, des facteurs intersectionnels peuvent complexifier le rapport entre une femme et son corps ainsi qu’entre ce dernier et la société. Selon la chanteuse queer, son corps est d’autant plus porteur d’un message politique en tant que femme noire.
Le hip-hop étant parfois associé aux idées misogynes, les panélistes ont vite fait de déconstruire ce préjugé. Oui, le rap et ses dérivés en appellent par endroits à la violence et/ou à la grossièreté impliquant des femmes, mais le rock, le country et la pop, notamment, ne sont pas en reste. Il suffit de penser à certaines paroles évocatrices de Robin Thicke ou de Guns ‘N Roses pour entendre des élans de misogynie exposés au grand public.
Alors, comment apprécier une musique qui encourage un discours méprisant, particulièrement lorsque l’on s’identifie comme féministe? Dans un même ordre d’idées, peut-on légitimement s’affirmer féministe tout en se déhanchant au son de rythmes controversés? Autour de cette table ronde, les artistes représentant des points de vue trans, queer et racisés ne se cachent pas lorsqu’elles affirment leur penchant pour certaines chansons qui vont à l’encontre de leurs valeurs féministes. La clé, selon elles ; s’approprier la culture misogyne.
Une femme à la fois
Dans un état d’esprit prudent et critique, prendre conscience de son corps et de sa sexualité, se libérer ainsi que s’affirmer en tant que femme peut passer par une forme d’art qui projette une certaine vision dégradante de celle-ci. Par exemple, danser volontairement et avec enthousiasme sur une musique misogyne constituerait une forme de consentement que Hua Li compare à celui que l’on pourrait donner dans le cadre d’activités BDSM.
Si cette méthode semble pouvoir contribuer à normaliser le phénomène de la misogynie, elle concentre son effet sur le bien-être de la partie réceptrice des propos en question, plutôt que sur la marginalisation de ceux ou celles qui les perpétuent. Elle vise également à démanteler la misogynie internalisée chez certaines femmes, à les réconcilier avec leur corps ainsi qu’à les déresponsabiliser face à cette culture qu’elles peuvent se permettre d’apprécier tout en la critiquant.
En ouvrant ce dialogue, Pop Montréal devait s’attendre à ce qu’une majorité féminine participe à la discussion, ce qui fut le cas (environ 75% de la vingtaine de personnes présentes à la conférence étaient des femmes). En naviguant consciemment à travers les différents contenus qui peuvent chatouiller l’oreille, chaque femme est invitée à y consentir ou non, selon ses propres critères et limites. Il s’agit là d’établir un équilibre entre la critique et l’appréciation, avec toute la complexité que cela implique.
Qu’on le veuille ou non, nous sommes entouré(e)s de misogynie et la musique ne fait pas — et ne fera probablement jamais — exception à cette règle. Cela étant, bien que la censure ne soit pas la solution, il est clair que la responsabilité véritable en matière de haine, quelle qu’elle soit, revient à ceux et celles qui la verbalisent.
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