L’octroi massif de bonus salariaux à des professeurs et des professeures de l’École des sciences de la gestion (ESG) montre que l’UQAM cherche à jouer le jeu d’argent des grandes universités. Et elle le fait mal.
Les primes de marché sont des montants supplémentaires ajoutés aux salaires de professeurs et de professeures en particulier pour la rareté de leur expertise ou encore pour les retenir de partir vers un établissement universitaire qui paye mieux.
Depuis les trois dernières années, c’est l’ESG qui remporte la palme dans l’attribution des primes de marché, avec plus de la moitié de l’ensemble des primes de marchés offertes par l’UQAM distribuée à son corps professoral.
Comme le constate la directrice des relations avec la presse de l’UQAM, Jenny Desrochers, l’ESG doit « composer avec une situation où les salaires et les conditions d’emploi sur le marché peuvent être plus intéressants que ceux offerts par le milieu de l’enseignement universitaire ».
Rémunération contre vocation
Si pour de nombreux professeurs et de nombreuses professeures, la ligne entre l’enseignement et le travail ne tient qu’à une question d’argent, c’est que de bien pauvres valeurs animent le corps professoral de l’ESG.
Mais ce qui est d’autant plus déplorable, c’est la tendance de l’administration de l’UQAM, une université publique, à vouloir se comparer aux autres universités en se lançant dans un concours de prestige.
Quelle autre utilité aux primes de marchés sinon que de retenir des professeurs et des professeures qui sont à la tête de chaires reconnues ou ont une influence dans leur domaine ? C’est une lutte à laquelle se livrent aussi les autres universités pour avoir la perle rare qui ferait mousser leurs inscriptions.
Selon cette perspective, l’université ne serait qu’un autre lieu de réseautage plutôt qu’un lieu d’apprentissage. En suivant cette logique, la qualité d’un professeur ou d’une professeure, souvent, ne serait fondée que sur son expertise professionnelle et rien de plus.
En se joignant à ce genre d’enchères pour garder ses gros noms, l’UQAM décide de perpétuer le vaste phénomène de marchandisation de l’éducation qui a déjà cours dans le réseau universitaire. Un phénomène où le professeur et la professeure sont amené(e)s à évaluer leur valeur à l’échelle de leurs actes plutôt qu’en fonction de l’institution qui leur ressemble.
C’est sans surprise l’UQAM qui dépense le moins dans les primes de marché, comparativement aux universités à charte, à quelques millions près. La convention collective du Syndicat des professeurs et professeures de l’UQAM (SPUQ) y veille, puisque le montant des primes de marché octroyées chaque année ne peut jamais dépasser plus de 1 % de la masse salariale du corps professoral.
Ainsi, on reste loin des aberrations que peuvent créer les primes de marché, surtout qu’on observe déjà une « disparité de 400 % entre les salaires de professeurs d’une même faculté à McGill ou Toronto », selon le président du SPUQ, Michel Lacroix.
À quoi bon chercher à gagner un bras de fer avec les universités mieux nanties qui, même sans nécessairement y être forcées par un syndicat, peuvent se permettre d’offrir des salaires et des primes de marché bien plus élevées ?
À l’Université Laval, la convention collective des professeurs et des professeures limite les primes individuelles à 30 % de leur salaire. Cette mesure est loin d’être la plus contraignante, celle de l’UQAM imposant un maximum de 20 % du salaire.
Avec le plus petit bout du bâton, l’UQAM ne gagne rien à jouer les postes de ses professeurs et professeures sur des considérations pécuniaires. L’ESG demeure une école prestigieuse, même si on lui retire ses plus grosses pointures en enseignement. Si des professeurs et des professeures choisissent l’UQAM, ce n’est sûrement pas pour le salaire qu’elle offre, qui est toujours plus bas que celui des autres universités à tous les niveaux. C’est plutôt pour sa vocation sociale et parce qu’elle offre des occasions de recherche qui sortent du cadre conventionnel.
L’administration devrait valoriser cette niche créative auprès du corps professoral pour inspirer ses membres à rester plutôt que les appâter avec une carotte et un bâton. Ainsi, non seulement la vocation – mais aussi l’appartenance – dépasseraient la bête idée de la rémunération.
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