Depuis plusieurs années, des cas d’insalubrité s’accrochent à la réputation des résidences universitaires de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Après y avoir vécu l’enfer, d’anciens résidents et d’anciennes résidentes racontent leur histoire au Montréal Campus.
« Oui, il peut arriver qu’on ait des problèmes d’insectes », avait affirmé en 2013 l’ancien directeur des services auxiliaires de l’UQAM André Robitaille, dans une entrevue accordée au quotidien Le Devoir.
Gabriel Massé, qui était étudiant à la majeure en sociologie en 2013, peut en témoigner. Au cours de son passage aux résidences UQAM Est, au coin du boulevard René-Lévesque et de la rue Sanguinet, il a occupé trois logements. Le premier, un logement simple, était infesté de punaises de lit. Pour s’en débarrasser, M. Massé avait alors fait appel aux responsables des résidences, qui auraient mis jusqu’à 34 jours avant de se présenter.
« Des fois, lorsque je me réveillais, j’avais l’impression d’avoir de l’urticaire aux jambes et sur tout le corps. C’était de l’inflammation rouge. C’était vraiment très inconfortable », se rappelle M. Massé.
Mais ce n’est rien comparativement à ce qu’il a affronté à l’automne 2013, dans son second logement, comptant cette fois huit chambres et un espace commun.
« Les chambres sont privées, mais les espaces communs sont partagés entre les colocataires de l’appartement, explique la directrice des relations avec la presse de l’UQAM, Jenny Desrochers. Il est important de savoir que pendant la durée du bail, l’entretien ménager des appartements et des studios est de la responsabilité des résidents. »
Gabriel Massé et son ancien colocataire Joël* en savent quelque chose. Restreintes et collées les unes aux autres, les chambres des « multi-huit » semblent faciliter la propagation de punaises de lit. Un des colocataires de la chambre 806, Tristan*, travaillait de nuit dans un entrepôt où il aurait été en contact avec des punaises de lit qu’il aurait ensuite ramenées aux résidences de l’UQAM.
Ce que Joël prenait pour des réactions allergiques étaient en fait des punaises de lit qui faisaient des leurs. « C’était la première fois que je voyais l’apparition de ces boutons », dit celui qui a complété une maîtrise en finances appliquées à l’UQAM et qui a passé environ six ans dans les résidences de l’Université.
Après une intervention auprès de la direction des résidences en novembre 2013, le problème a été réglé en quelques jours. Toutefois, en janvier 2014, l’insalubrité de la chambre 806 a pris des proportions troublantes.
Au bout du fil, Gabriel Massé dit avoir été « traumatisé » par les fourmis, les coquerelles, les punaises de lit et la moisissure dans l’appartement. « C’était un peu partout dans l’appartement. Ça se cachait sous les tapis, ça se cachait également sous les meubles. Ce n’était pas dans les chambres spécifiquement, mais dans les aires communes », décrit-il.
La tension a monté d’un cran entre les colocataires. Tristan a donc plié bagages et a mis une annonce en ligne pour sous-louer sa chambre, qui a trouvé preneur. Si cette action doit être approuvée par la direction des résidences au préalable, jamais Tristan n’a mis en garde le preneur, Carl*, que la chambre était infestée de punaises de lit.
« J’ai même dû dormir avec des amis [ailleurs] dans les résidences. [Sinon], je sortais carrément, je sortais dehors toute la nuit juste pour ne pas dormir dans le lit », se remémore Carl, qui venait tout juste d’arriver à Montréal.
Dans la torpeur
La santé psychologique des résidents et des résidentes peut être mise à risque dans une telle situation. Gabriel Massé, pour sa part, a développé un trouble de l’humeur avec adaptation dépressive. « C’est une sorte de dépression mineure », explique l’ancien étudiant de l’UQAM. Une fois sa maladie diagnostiquée par une psychiatre de l’hôpital Notre-Dame, il a été contraint de réduire la charge de cours de sa session.
« J’étais tellement dans le jus à cette époque-là. J’avais cinq cours, j’avais également un travail à temps partiel à 15-20 heures par semaine », affirme-t-il.
Joël estime lui aussi avoir fait une « mini-dépression ». « Pendant la période des examens, ça nous a vraiment affectés, déplore-t-il. On était de simples étudiants. »
Cinq ans plus tard, le Montréal Campus est allé cogner à la porte du 806 et, aujourd’hui, tout semble avoir changé pour le mieux dans la modeste résidence à deux étages.
Chose du passé ?
L’administration de l’UQAM est aujourd’hui sans équivoque. « Il n’y a pas d’insalubrité, d’apparition fréquente de moisissure et de problème récurrent d’insectes nuisibles aux résidences de l’UQAM », affirme Jenny Desrochers. L’actuelle directrice des services auxiliaires, Geneviève Guertin, n’était pas disponible pour répondre aux questions du Montréal Campus.
La présence d’insectes serait principalement observée à l’arrivée des résidents et des résidentes ou après de longs congés, mentionne Jenny Desrochers. L’administration des résidences procède alors à un nettoyage. Après ce dernier, il est observé en moyenne qu’entre deux et cinq requêtes mineures sont liées à l’insalubrité des espaces. « En cours d’année, les requêtes sont entre colocataires des appartements partagés, et les situations se règlent donc entre eux », indique Mme Desrochers.
En 2017, Nicolas Morin logeait au septième étage des résidences UQAM Est. Aux prises avec des punaises de lit dans sa chambre pendant plus de deux mois, il a été forcé de « dormir dans le salon » et dans une chambre vacante du « multi-huit ». « J’ai dû jeter tous mes draps après avoir fait de très nombreux lavages. Ça ne partait pas et c’était vraiment compliqué, souligne celui qui conclut son baccalauréat en science politique. [Les exterminateurs] sont venus au moins cinq ou six fois pour désinfecter avec leurs produits. »
Après cet épisode, Nicolas Morin a « claqué la porte » des résidences, se tournant vers la location d’un appartement.
Il est à noter que la Ville de Montréal ne procède à des inspections que lorsque des plaintes en la matière lui sont soumises. La dernière inspection remonte à 2017, à la suite d’une plainte concernant des punaises de lit dans les résidences de l’UQAM.
« L’inspecteur inscrit ses observations dans le suivi informatisé de la requête. Lorsque des non-conformités sont constatées, un avis d’infraction (lettre) détaillant les points à corriger est transmis au propriétaire avec le délai maximal pour effectuer les corrections », souligne dans un courriel la relationniste de presse de la Ville de Montréal Audrey Gauthier.
En 2018, l’UQAM a investi un peu plus de deux millions de dollars notamment dans la rénovation des douches individuelles et dans des travaux de plomberie de 72 chambres aux résidences Est.
En janvier dernier, un appel d’offres semblable a été émis sur le système électronique d’appel d’offres du gouvernement du Québec. « Certains travaux de démolition seront réalisés en présence de moisissures », peut-on y lire.
* Les noms de certains intervenants ont été modifiés pour éviter quelconques représailles.
photo : LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS
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