Aux premières loges de l’art interactif

Au théâtre ou dans les musées, l’art interactif prend progressivement sa place sous les projecteurs. Le dynamisme est revisité dans cette forme d’art, exigeant une participation physique de la part du spectateur ou de la spectatrice qui influencera le schéma narratif proposé par l’artiste.

La valeur ajoutée de l’art interactif, qui sollicite principalement un public ayant grandi avec le Web, est son aspect « ludique et spectaculaire », d’après la professeure d’histoire de l’art à l’UQAM Joanne Lalonde. Ce type d’art permet également de sortir des conventions, de briser les barrières entre l’élite intellectuelle artistique et le public, et donc d’opérer une certaine démocratisation en rendant l’expérience accessible et stimulante pour tous et toutes.

En général, l’art visuel demande une participation de la part du spectateur, explique Mme Lalonde. En entrant dans un musée, par exemple, le spectateur ou la spectatrice s’engage à participer psychologiquement et mentalement à l’appréciation et l’analyse de l’oeuvre, précise-t-elle en affirmant « qu’aucune forme d’art n’échappe au dialogue entre le public et l’artiste ».

« Depuis le milieu des années 60, on a cherché de meilleurs moyens d’intégrer le public dans le processus artistique, poursuit Mme Lalonde. On a assisté à une accélération et à une multiplication des possibilités de le faire avec l’avènement de la technologie et des plateformes numériques mobiles. »

« Les gens sont très curieux de ce que toutes les technologies peuvent accomplir, mais une chose reste importante à nos yeux : l’art est sacré, peu importe la technologie », confirme la directrice des relations publiques et des communications au Centre Phi, Myriam Achard.

Au Centre Phi, situé dans le Vieux-Montréal, le participant ou la participante peut vivre un moment unique en étant au centre de la proposition. Tous ses déplacements moteurs vont orienter l’oeuvre. L’endroit, qui a ouvert ses portes il y a près de sept ans, a été à l’avant-garde du phénomène, selon Mme Achard. « Le buzz actuel que l’on connaît autour des oeuvres immersives et interactives n’était pas aussi fort [il y a sept ans] », souligne-t-elle. Elle dit constater l’intérêt grandissant du public, qui souhaite de plus en plus vivre une expérience accompagnée, personnelle et exclusive.  

Myriam Achard donne en exemple les oeuvres de théâtre immersif qui mettent de l’avant la réalité virtuelle et qui peuvent avoir des impacts énormes sur le public, comme c’est le cas pour The Horrifically Real Virtuality. Cette pièce, qui est présentée au Centre Phi depuis le 2 mars, mêle la réalité virtuelle, les processus d’immersion, le cinéma et la participation active des dix spectateurs et spectatrices.

La place de la technologie dans l’art

Il existe deux volets à l’interactivité, selon Joanne Lalonde, soit la contribution et la navigation. La première nécessite un engagement de la part du spectateur ou de la spectatrice, ce qui permet de donner un sens à l’oeuvre. La seconde donne la chance au public de découvrir l’environnement mis en scène par l’artiste.

« On manipule toutes sortes d’objets dans notre vie, donc la règle traditionnelle de ne pas toucher à des objets au musée semble archaïque », ajoute Joanne Lalonde.

D’après la professeure, l’art interactif pose de très sérieux défis de conservation des oeuvres numériques, notamment pour les commissaires et pour les historiens et historiennes de l’art. Elle explique que les oeuvres interactives utilisent des technologies et des formats qui deviennent rapidement obsolètes, ce qui occasionne de nombreux débats.

Selon Myriam Achard, l’art n’a pas de limite. Or, plus les dispositifs sont sophistiqués, plus un encadrement rigoureux est nécessaire.  

La réalité virtuelle repousse d’ailleurs les limites du dynamisme, offrant ainsi une possibilité de démocratisation de l’art visuel contemporain et une expérience inédite.

photo: VIVIEN GAUMAND

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