Manque de tact de l’UQAM face à des cas d’intoxication au GHB

« Gros yeux », « regards en l’air », remises en question : le rapport entre les intervenants et les intervenantes et les victimes de GHB peut s’avérer houleux. C’est une situation qu’aurait rencontrée une étudiante en géographie. Le Montréal Campus s’est entretenu avec elle.

En décembre dernier, le quotidien La Presse rapportait « une série noire » dans le département de géographie de l’UQAM, alors que cinq personnes déclaraient avoir été droguées au GHB.

Dès que ces cas ont été révélés, le corps exécutif de l’Association générale des étudiants et des étudiantes de premier cycle en géographie de l’UQAM (AGÉO) s’est empressé de rassurer ses membres, faisant notamment des tournées de classes pour rappeler l’importance du consentement et la possibilité pour quiconque de se confier aux exécutants et aux exécutantes.

« On fait notre possible. [C’est à la suite de ces événements] qu’on a décidé de faire des tournées de classe, des affiches et plus de prévention », souligne la membre du conseil exécutif de l’AGÉO Charlotte Bellehumeur. Elle affirme que des personnes se sont « ouvertes » à l’association, autant pour se confier que pour proposer des solutions.

Outre ces démarches, la gestion de ces cas par l’association et l’administration de l’UQAM semble s’être déroulée dans les règles, selon les intervenantes consultées. Des réunions ont rapidement eu lieu avec une membre du conseil exécutif de l’AGÉO, la directrice du Bureau d’intervention et de prévention en harcèlement (BIPH) et des membres de l’administration. Une enquête avait d’ailleurs été déclenchée avant la parution de l’article de La Presse.

Les choses se seraient corsées le 27 novembre dernier, lors d’une rencontre imprévue entre la directrice des relations avec la presse de l’UQAM, Jenny Desrochers, l’exécutante de l’AGÉO Geneviève Fortin-Blanchard, les Services à la vie étudiante (SVE) et la technicienne de la sécurité publique Valérie Lavoie. La directrice des programmes de géographie, Anne Latendresse, alors malade, y a assisté par voie téléphonique.

« C’était beaucoup de gros yeux, de regards en l’air, beaucoup de défense », confie Geneviève Fortin-Blanchard, qui dit être sortie avec un goût « amer » de cette réunion. La directrice des SVE, Josée Fortin, a préféré ne pas commenter ces allégations, éprouvant un « malaise » devant la confidentialité d’une telle réunion.

« Parfois, il y a du monde qui réagisse mal avec le vin. Alors, c’était peut-être du vin et non du GHB », aurait mentionné la technicienne de la sécurité publique Valérie Lavoie, qui est chargée des enquêtes internes à l’UQAM. L’employée aurait tout de même tenté d’avoir un maximum de détails pour aider le développement de l’enquête. Contactée par le Montréal Campus, la technicienne a refusé de commenter. Elle « respecte ses obligations de garder la confidentialité des dossiers qu’elle mène à titre d’enquêteuse », affirme Jenny Desrochers par courriel.

Cependant, cette remise en question de la part de la technicienne de la sécurité publique atteignait personnellement Geneviève Fortin-Blanchard. Celle qui était alors exécutante en a profité pour dévoiler qu’elle était l’une des victimes mentionnées dans l’article de La Presse.

L’étudiante en géographie n’est pas étrangère au GHB. « C’est la deuxième fois que ça m’arrivait. Alors, je savais ce qui se passait et je suis rentrée chez moi, mais j’ai été malade pendant deux jours après. Je réagis vraiment mal au GHB », raconte la jeune femme.

Un tel doute de la part de la technicienne de la sécurité publique, « ça peut heurter, mais ce n’est pas l’intention de la personne qui fait ce genre de commentaire-là », répond Jenny Desrochers.

La directrice des relations avec la presse insiste qu’il faut éviter tout « procès d’intentions ». « Je ne crois pas que les personnes ou les services qui sont mobilisés autour de ces questions-là sont de mauvaise foi et veulent brimer [ou juger] les étudiants qui sont concernés », mentionne Mme Desrochers.

Elle convient que dans « le domaine des enquêtes, il y a quand même une façon de le faire et [que] ça peut être froid dans la collecte de données ».

Attendre de réparer les pots cassés

Pour la directrice des programmes de premier cycle en géographie, Anne Latendresse, les cas d’intoxication au GHB dans le département ont provoqué une certaine prise de conscience. « Moi, je réalisais qu’on a peu de moyens concrets. Après je me disais : là, on a proposé qu’il y ait une enquête. Mais pour qu’il y ait enquête, il faut que les étudiants acceptent d’aller parler aux enquêteurs” », indique-t-elle.

Parmi les cinq victimes du programme de géographie, aucune d’entre elles n’a tenté de rencontrer le BIPH. « Si ça réarrivait, je ne pense pas que j’irais leur parler. Si j’avais à regérer cette situation-là, je ne pense même pas que je ferais appel à eux », estime Geneviève Fortin-Blanchard.

« Si on n’est pas informé, on ne peut pas intervenir. »

Jenny Desrochers, directrice des relations avec la presse de l’UQAM

L’UQAM offre présentement des formations aux associations étudiantes pour les informer sur les violences sexuelles et le consentement. Des ateliers portant sur les méfaits des drogues et de l’alcool sont aussi disponibles. « Quand on rencontre les organisateurs d’événements, il y a aussi de l’information qui est donnée à ce moment-là », affirme Jenny Desrochers.

L’association des programmes de premier cycle en géographie a débloqué un budget pour assurer une plus longue présence des gardiens et des gardiennes du Senti lors du plus récent party de fin de session, indique le corps exécutif.

Une séance d’information sur les violences sexuelles était offerte aux étudiants et aux étudiantes de géographie le 14 janvier dernier et une autre se tiendra le 8 mars prochain pour le corps professoral, lors d’une assemblée départementale.

infographie: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *