Les visages derrière les stages non rémunérés

Exténuées, trois étudiantes de l’UQAM ont discuté avec le Montréal Campus de la pression des stages non rémunérés qui pèse actuellement sur leurs épaules. À l’unisson, elles revendiquent la reconnaissance du travail accompli dans le cadre de leurs apprentissages, chacune selon une perspective différente.

La priorité de l’étudiante en travail social Marie-Claude White est de subvenir aux besoins de sa fille de six ans. L’idée de faire deux sessions de stages à temps plein met sa santé psychologique en péril, dit la mère monoparentale, puisqu’elle doit concilier ses études à l’emploi qu’elle occupe présentement au Centre local de services communautaires (CLSC) de La Petite-Patrie, dans le quartier Rosemont–La-Petite-Patrie.

Marie-Claude White a néanmoins la possibilité de faire son stage dans son milieu de travail. « [De ce fait], je pourrais être rémunérée, mais ma charge de travail triplerait parce que j’aurais aussi mes dossiers à gérer, affirme-t-elle. Je n’apprendrais rien. […] C’est une perte de potentiel d’acquisition de savoir. »

« En plus de payer une gardienne, je suis obligée de prendre des [congés] sans-soldes au travail pour pouvoir assister à mes cours. »

— Marie-Claude White, étudiante en travail social à l’UQAM

La stagiaire en sexologie Laura Morin-Parent pratique présentement en Abitibi-Témiscamingue. Pour compléter ses supervisions de stage, l’étudiante doit parcourir les 650 kilomètres qui séparent l’école secondaire Marcel-Raymond et l’UQAM à chaque deux semaines.

Les stagiaires vivent déjà dans la précarité, puisqu’elles doivent d’abord travailler pour financer leur insertion professionnelle, dénonce Laura Morin-Parent. Les frais de scolarité, le transport, le logement et les besoins de base sont des coûts afférents à la réalisation d’un stage, fait valoir la future sexologue.

« Ne me payez pas mes heures de planification, je m’en fous, mais donnez-moi quelque chose », déplore pour sa part la stagiaire au baccalauréat en enseignement secondaire des sciences humaines et de l’univers social à l’UQAM Camille Tremblay-Champagne. En plus de son stage intensif de 22 jours, l’étudiante occupe un emploi à temps partiel, qui lui demande 12 heures par semaine. La stagiaire se considère chanceuse d’avoir conclu un arrangement avec son patron lui permettant de travailler un nombre d’heures raisonnable chaque semaine.

Son stage en enseignement représente beaucoup de travail, d’engagement et d’effort. « J’ai à rendre des comptes, produire un travail, gérer une classe, faire de l’auto-analyse, sans compter la planification », décrit-elle, ajoutant qu’elle passe ses soirées à préparer ses présentations.

L’automne prochain, Marie-Claude White, qui est déjà technicienne en travail social, devra accomplir un second stage, à raison de trois jours par semaine pendant toute la session. À cela s’ajoute une journée de séminaire chaque deux semaines, ce qui lui laisse peu de temps pour travailler.

Moyens de revendication mitigés

Même si un mandat de grève a été voté à l’UQAM, Camille Tremblay-Champagne croit qu’il ne s’agit pas du meilleur moyen de mobiliser ses collègues. Si elle avait décidé d’interrompre son stage lors de la semaine de débrayage, son superviseur associé serait retourné en classe et aurait continué à enseigner la matière du cours normalement, reconnaît-elle.

Lors de l’assemblée générale, l’étudiante s’est abstenue de prendre position. Sans remettre en question la légitimité du vote, elle s’interroge néanmoins sur l’impact d’un tel moyen de pression. « Je suis tellement pour la rémunération des stages, mais j’ai de la misère à m’absenter de mon stage. Quand je suis devant une classe, j’ai l’impression d’être à ma place pour une fois », explique-t-elle.

« Personnellement, je me passerais d’une grève générale illimitée, mais si ça n’avance pas, je suis pour [l’utilisation de ce moyen de pression] », laisse entendre Marie-Claude White.

Bien qu’elle appuie sans équivoque la rémunération des stagiaires, Laura Morin-Parent désapprouve l’idée d’une grève générale illimitée. « À la base, les effets négatifs de la grève ne devraient pas reposer sur mes épaules, pense-t-elle. La grève générale illimitée vulnérabilise encore plus les stagiaires qui sont déjà dans un statut précaire. »

« Je me suis implantée dans mon milieu, dans un réseau d’intervenants limité. Je prends des engagements et si je ne les relève pas, il peut y avoir un impact sur ma carrière », partage la future sexologue.

Une même voix pour la rémunération

Malgré les défis, notamment financiers, Laura Morin-Parent garde espoir d’obtenir des stages rémunérés. « Je trouve que la mobilisation étudiante est bien, mais on doit la sortir de l’université », dit-elle.

Les votes de grève de six associations étudiantes ont prouvé un certain mécontentement, constate Camille Tremblay-Champagne. C’est pour les gens qu’elle admire, autant en enseignement, en travail social, en sexologie ou en soins infirmiers, que Camille est descendue dans les rues pour manifester le 21 novembre dernier.

photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS

Camille Tremblay-Champagne étudie présentement au baccalauréat en enseignement secondaire des sciences humaines et de l’univers social à l’UQAM. 

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