Quand le public fait écran à l’artiste

Certains chanteurs et certaines chanteuses, comme Prince, placardaient des interdictions de filmer à l’entrée de leurs spectacles. Récemment, quelques artistes, comme Alicia Keys et Jack White, ont fait affaire avec la compagnie Yondr pour offrir aux fans un petit étui en plastique à l’entrée des concerts, une manière de réduire l’emprise du téléphone durant les moments de communion artistique.

Distribué à l’origine aux écoliers et aux écolières américain(e)s pendant les cours, il rend le téléphone inaccessible grâce à un système de verrouillage à distance. La pochette verte peut être débloquée seulement dans des zones spéciales en dehors de la salle de spectacle pour pouvoir être utilisée. Contraignant certes, mais ingénieux à l’ère de l’abondance des écrans.

Selon le créateur de Yondr, il est «impossible de vivre pleinement une expérience et de la documenter en même temps ». Les services de la compagnie ont aussi convaincu les groupes The Lumineers et Guns N’Roses.

Technologie essentielle

Pour la plupart des jeunes et moins jeunes, le téléphone portable est une extension de soi. Jamais loin dans la poche arrière ou déjà dans la paume de notre main, prête à être utilisée, la « machine à pitons » sert dorénavant à tout et n’importe quoi. Plus qu’un simple moyen de communication, le cellulaire est aussi un moyen de diffusion immédiate.

Il nous est facile de documenter notre vie et de capturer des souvenirs, comme ceux d’un concert qu’on veut immortaliser. Nous voilà donc à enregistrer chaque minute ou presque d’un spectacle se déroulant pourtant sous nos yeux. L’habitude s’enracine dangereusement, à un point tel qu’il n’est plus rare de constater la présence… d’iPad dans la foule.

Selon une étude de 2014 du Syndicat national du spectacle musical et de variétés de la France (PRODISS), 45 % des spectateurs et spectatrices français(es) regardent un écran lors d’un spectacle, que ce soit celui de leur téléphone ou celui diffusant le concert en direct.

Avec l’arrivée des réseaux sociaux dans notre routine s’est intégrée une habitude malsaine de toujours vouloir exposer notre quotidien aux internautes. Les spectateurs et spectatrices avides d’attester leur présence aiment filmer ce dont ils et elles sont témoins. Comme pour prouver que « j’ai payé pour ce spectacle, j’en filme un bout ».

Plusieurs artistes font valoir leur désaccord avec cette fâcheuse habitude, de même que les fans qui sont dérangé(e)s par les écrans brandis devant eux et elles.

Des artistes diront que cela nuit à l’échange d’énergie avec le public. Quand on filme, on ne danse pas. De voir une foule braquer ses yeux sur un écran de téléphone a un impact sur ceux et celles qui performent. Leur expérience en est terriblement affectée. Ils et elles donnent tout sur scène, pour finalement faire face à un public à moitié présent.

L’amour de la musique

Quoi qu’il en soit, qui regarde vraiment ses vidéos après un concert ? Les gens qui préfèrent enregistrer un concert plutôt que de le regarder de leurs propres yeux ne vivent pas l’essence même d’une expérience live

En filmant, le public perd un peu du plaisir que procure le concert et peut même déranger les gens autour. De toute façon, n’a-t-on pas tous et toutes un appareil enregistreur dans nos cerveaux ? Ne sommes-nous pas au concert pour entendre et voir notre artiste préféré(e) ?

Bien que d’autres artistes moins établi(e)s vont aimer se faire filmer pour garantir une promotion gratuite et une visibilité sur les réseaux sociaux, l’expérience d’un concert devrait demeurer sans cellulaire afin de profiter pleinement du moment.

Alors que les briquets sont remplacés par les lumières des téléphones et que la qualité de la vidéo est plus importante que le souvenir en soi, n’oublions pas que les spectacles sont d’abord et avant tout rassembleurs.

Au final, n’est-ce pas magique d’être réuni(e)s avec plusieurs centaines, parfois même plusieurs milliers, d’inconnus et inconnues avec lesquel(le)s on partage ce point commun qu’est l’amour de la musique ?

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *