L’aide canadienne au Mali, un « minifiasco »

En 2015, le premier ministre du Canada Justin Trudeau promettait que le pays allait se réengager massivement dans les missions de paix à l’international. Or, des experts déplorent les mesures insuffisantes prises par Ottawa à ce sujet, dans la foulée de l’annonce du retrait des troupes canadiennes au Mali.

Le ministre de la Défense Harjit Sajjan a déclaré le 16 novembre 2018, lors du forum de sécurité nationale qui se tenait en Nouvelle-Écosse, que le Canada mettra fin à son soutien à la mission de paix au Mali en juillet prochain, malgré la demande de l’Organisation des Nations Unies (ONU) de prolonger sa contribution à l’opération. Depuis 2012, les populations du nord et du centre du Mali sont particulièrement vulnérables aux violences armées, exacerbées par des facteurs aussi divers que complexes : manque de vivres engendré par la sécheresse, pauvreté et attaques rebelles pouvant être rattachées au djihad.

La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) mène un processus de consolidation d’une paix toutefois fragile. Les bases onusiennes autant que les militaires sont les cibles potentielles de tirs ennemis provenant de groupes rebelles.

Le soutien logistique apporté à ces missions, parfois vues comme de simples faire-valoir diplomatiques, est d’une importance considérable pour l’ONU, souligne le directeur de recherche du Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec, Justin Massie. « C’est une décision canadienne de n’envoyer qu’une force minime et non de prendre le commandement de la mission, avance-t-il. Les missions de paix n’ont jamais été aussi nombreuses et avides de soutien qu’en ce moment. Le Canada pourrait contribuer de manière plus substantielle. »

Le gouvernement Trudeau s’est montré ferme quant à sa décision, malgré les pressions des Nations unies de prolonger la mission de paix. Le relais sera assuré par la Roumanie, mais ce nouveau contingent ne touchera le sol malien qu’en octobre 2019, alors que les troupes canadiennes ont prévu quitter en juillet, laissant ainsi un vide de deux mois. Une telle période sans soutien logistique « forcerait l’ONU à faire affaire avec des contracteurs privés », explique le directeur du Centre FrancoPaix de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM, Bruno Charbonneau. Les états, leur but n’étant pas de faire de l’argent, opèrent donc différemment des compagnies privées.

Crédibilité chancelante

Les mesures timides qu’Ottawa prend pour s’impliquer en Afrique « constituaient déjà un minifiasco », affirme Bruno Charbonneau. « Les dégâts ont été faits bien avant que le refus de prolongation soit annoncé », poursuit-il. Selon lui, la communauté internationale avait beaucoup d’attentes par rapport à l’engagement canadien, qui n’ont pas été suivies par des mesures d’envergure suffisante.

Des experts se questionnent sur la bonne volonté du gouvernement Trudeau de se réengager de façon concrète dans les opérations de paix, dans un contexte où Ottawa ne cache pas son ambition d’obtenir un siège au conseil de sécurité de l’ONU en 2021.

Bruno Charbonneau insiste particulièrement sur le manque de crédibilité du Canada sur le plan humanitaire. « J’ai personnellement été témoin de réactions négatives à l’étranger au sujet du manque d’actions », observe-t-il. Rien n’est irrécupérable, tient néanmoins à nuancer M. Charbonneau. Il ajoute qu’il y aurait plusieurs moyens de poursuivre l’engagement canadien en appuyant d’autres opérations, bien « qu’il soit dur pour l’instant de parler des conséquences du retrait étant donné que les détails manquent sur les opérations à venir ».

Le contexte électoral

« Le gouvernement Trudeau aime l’idée de s’impliquer pour la paix, un symbole d’identité nationale auquel les Canadiens sont attachés, mais il aime moins l’idée d’avoir à prendre les mesures logistiques et financières pour le faire », indique à ce sujet Justin Massie.

Il s’agit d’une année électorale pour Justin Trudeau, ce qui explique en partie ce retrait à la hâte de la MINUSMA. « D’un point de vue électoral c’est stratégique : les Canadiens adhèrent à l’idée d’être gardiens de la paix, mais sont peu enclins à appuyer des démarches coûteuses et dangereuses pour la vie des soldats canadiens », soutient M. Massie.  

Photo : COURTOISIE MISSION MULTIDIMENSIONNELLE INTÉGRÉE DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION AU MALI 

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