Les stéréotypes au service de la culture du viol

Il y a un an, le mouvement de dénonciation #MoiAussi dressait un portrait préoccupant des agressions sexuelles. Selon certains spécialistes, la banalisation de cette culture du viol révélée serait influencée par l’image stéréotypée de l’homme dans l’imaginaire contemporain.

La vague de dénonciations lors du mouvement a démontré qu’un grand nombre de crimes d’ordre sexuel sont passés sous silence pendant de nombreuses années, mais aussi que les agresseurs dévoilés sont majoritairement des hommes.

La semence de cette culture du viol viendrait de l’imaginaire contemporain, où les hommes sont souvent représentés comme des bêtes viriles prises d’un désir sexuel constant, mentionne la philosophe et auteure Olivia Gazalé. « Il faut montrer qu’on est puissant, qu’on est capable d’érection, qu’on bande, qu’on fait des conquêtes sexuelles », a-t-elle dit lors du colloque Une virile imposture, construction du jeune homme dans la littérature, tenu la semaine dernière à l’UQAM.

Même si aujourd’hui les hommes sont davantage détachés de l’idéalisation de la masculinité dans l’imaginaire contemporain, cette dernière est une figure archétypique qui demeure dans l’inconscient collectif, précise-t-elle.

Une banalisation issue des stéréotypes

Les figures stéréotypées de l’imaginaire sont des figures qui existent depuis l’Antiquité. L’homme puissant, représenté notamment par Hercules, en est un bon exemple. « Il y a des figures qui sont récurrentes. Ce n’est pas nouveau, ç’a toujours été et je pense que c’est une composante anthropologique fondamentale », souligne Simon Lévesque, détenteur d’un baccalauréat en littérature et d’un doctorat en études sémiotiques de l’UQAM.

La pensée populaire porte à croire que seule la représentation des hommes stéréotypée encouragerait la culture du viol. En fait, il s’agirait plutôt d’un mélange de l’image de la femme coupable à celle de l’homme viril.

Cette vision de la femme, souvent représentée comme une « fornicatrice, une prédatrice insatiable et coupable de son appétit érotique », encouragerait les agressions à caractère sexuel, souligne Olivia Gazalé.

« Ça explique aussi le long silence des femmes quand elles se font agresser. Elles ont intériorisé cette culpabilité, ajoute-t-elle. Ce n’est pas seulement la définition de la masculinité, mais la définition de ces deux figures antinomiques qui, à mon avis, est à l’origine de la violence sexuelle. »

La masculinité réinventée

Certains stéréotypes présents dans l’imaginaire contemporain commencent à s’éclipser, en partie parce que les hommes ne tendent plus à idéaliser les superhéros extrêmement caractérisés, convient Simon Lévesque.

« Aujourd’hui, on voit qu’il y a un imaginaire du superhéros où les traits sont tellement exagérés qu’on les voit comme des caricatures, avance-t-il. Contrairement à des époques antérieures, où les modèles les plus valorisés de masculinité virile étaient les soldats, ceux qui ont fait la guerre. »  Cette image de la virilité est désormais prise au deuxième degré, selon lui.

L’émancipation du genre masculin, apparue avec le féminisme du 21e siècle, normalise certaines caractéristiques autrefois mal vues chez les hommes, telles que le droit d’être sensible, de pleurer, de désirer la tendresse, ajoute M. Lévesque. « C’est la gynophobie, cette idée d’infériorisation de la femme, qui rendait autrefois ces caractéristiques dévalorisantes pour le genre masculin », explique Olivia Gazalé.

L’image de la masculinité se transforme tranquillement. De nombreux stéréotypes perdurent dans l’imaginaire contemporain, mais sont aujourd’hui composés de qualités que l’on attribuait autrefois uniquement au genre féminin, selon l’anthropologue au Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS) à Paris Mélanie Gourarier. « Aujourd’hui être un homme ce n’est pas seulement être fort, c’est aussi être capable d’exprimer ses sentiments », exprime-t-elle.

infographie: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

Commentaires

Une réponse à “Les stéréotypes au service de la culture du viol”

  1. En lien avec votre article, l’actualité récente irlandaise (#thisisnotconsent) parle aussi de l’après plainte ! Plasticienne, des femmes indignées par cet évènement, ont accepté de prêter ce petit bout de tissu : un string comme symbole de culpabilité supposé, que je dessine épinglé ?
    A découvrir le tout début de la série : https://1011-art.blogspot.com/p/thisisnotconsent.html

    Et aussi en écho, une oeuvre plus pudique intitulée « Noli me tangere » sur l’inviolabilité du corps de la femme : https://1011-art.blogspot.fr/p/noli-me-tangere.html

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *