Apprendre à dompter le feu

« Le marché du verre au Québec n’est pas suffisant pour avoir deux centres de formation », déclare d’emblée le directeur général de l’Espace VERRE, Christian Poulin. Le Cégep du Vieux Montréal offre depuis 1989 la seule et unique formation collégiale en art verrier au Québec.

« D’après les statistiques, depuis 1992, c’est à peu près la moitié des finissants qui vont poursuivre [leur métier dans le domaine] », indique Christian Poulin. Le programme du Cégep du Vieux Montréal a pour objectif de former des travailleurs autonomes dans tous les métiers du verre. « Ce sont eux qui doivent faire la création, la production, la mise en marché, la livraison et la comptabilité », ajoute le directeur général.

On peut dénombrer environ cent artisans verriers au Québec. La majorité de ceux-ci sont passés par le programme du cégep du Vieux Montréal et travaillent seuls. « Le marché n’est pas nécessairement en pleine explosion. C’est difficile, reconnaît M. Poulin. Ce sont des produits de luxe. Il y en a qui vont travailler quelques jours par mois et d’autres cinq ou six jours par semaine », poursuit-il.

Un programme reconnu

Plusieurs fours enflamment l’atelier et quelques étudiants s’appliquent à façonner le verre. Ils sont quinze chaque année à être acceptés dans la formation technique de l’Institut des métiers d’art du cégep du Vieux-Montréal qui les forme en collaboration avec l’école-atelier l’Espace VERRE. Les étudiants s’initient à plusieurs techniques comme le verre soufflé, le verre à froid ou le thermoformage. Environ la moitié des élèves proviennent du secondaire et l’autre moitié ont des parcours divers. Tom, un finissant, a effectué un diplôme d’études professionnelles (DEP) en vente-conseil avant de se diriger vers l’artisanat du verre. « J’avais déjà un intérêt pour le verre, je collectionnais les pièces de verre et j’ai découvert la formation en surfant sur le web. Je me suis dit : ‘‘pourquoi ce n’est pas moi qui fais les pièces pour que le monde les collectionne?’’ », explique-t-il.

Située dans l’ancienne caserne de pompier 21, dans Pointe-Saint-Charles, l’Espace VERRE est un pôle important au Québec et à l’international pour les arts verriers. Le programme du cégep du Vieux Montréal attire même plusieurs étudiants de la France, surtout depuis cinq ans. « Il y a la volonté de montrer un éventail de techniques et c’est plus tard que les élèves pourront se spécialiser », affirme la responsable des communications et du marketing du programme, Valérie Paquin.

Ce sont en effet la variété de techniques enseignées et le côté artistique du programme qui ont convaincu Maroussia Zimmer, diplômée en verre et assistante de cours, de venir étudier à l’école-atelier après avoir appris le droit en France.   Lors de l’exposition finale de la précédente session, Maroussia Zimmer a présenté son installation, Another brick in the wall?, composée de membres humains en verre fixés sur des ronds de verre et de miroir.

Une discipline coûteuse

En plus des frais liés à la session, les élèves doivent débourser environ 500 $ par session pour mettre la main sur des outils spécialisés et du matériel. Nicolas Forlini, finissant à la technique en verre, estime que ces coûts supplémentaires sont substantiels, « mais que ce n’est pas la même chose pour tout le monde ». Si l’étudiant bénéficie de l’aide de ses parents, plusieurs de ses collègues doivent conjuguer travail et études pour affronter les dépenses liées à l’achat des matériaux.

Le directeur général reconnaît que la session peut être dispendieuse, mais la réalité professionnelle demande de débourser davantage. « Une journée de travail dans le verre soufflé, ça peut être près de 300 $, plus l’assistant, plus la couleur », donne-t-il en exemple. Plusieurs programmes de bourses permettent aux étudiants d’alléger le coût de leurs sessions et aux finissants de réduire l’importance de l’investissement dans les premières années de carrière. Un programme d’incubateur d’entreprises a même été mis sur pied au profit des diplômés.

« C’est un vrai coup de main parce qu’en sortant de l’école, c’est compliqué de trouver du travail dans les métiers du verre », affirme Maroussia Zimmer, qui a reçu une bourse pour utiliser gratuitement l’atelier pendant un an et une autre bourse de 1000 $ pour se payer de l’équipement après ses études. L’artiste tente de lancer son entreprise de luminaires avec une autre diplômée du programme. Elle reconnaît qu’il aurait été « facile d’arrêter le verre, car c’est compliqué d’en vivre ».

Le verre, une passion

Selon Christian Poulin et Valérie Paquin, la reconnaissance des métiers d’art s’accroît depuis plusieurs années. « Il y a plusieurs verriers qui se sont fait connaître et qui ont eu de la visibilité », affirme le directeur général. Les profils d’acheteurs changent aussi. Mme Paquin remarque un intérêt grandissant de la part des entreprises québécoises, qui passent de plus en plus de commandes à l’Espace VERRE pour des cadeaux corporatifs, comme un presse-papier ou une mangeoire à oiseaux.

« Il faut continuer, c’est ça le secret », avance Christian Poulin. Malgré les difficultés propres au métier, l’art du verre en passionne beaucoup. « J’ai étudié le droit et j’aurais pu faire de l’argent, mais je crois que la vie est courte et qu’il faut faire des choses qui nous prennent les tripes, même si ce n’est pas évident d’en vivre », témoigne Maroussia Zimmer.

 

photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS

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