Le cabaret d’humour F*ck la culture du viol, qui avait lieu le 22 octobre dernier à la Sala Rossa, a renversé la vapeur en démontrant qu’il est possible de faire rire intelligemment en s’attaquant à la culture du viol.
« Plus les gens nient la culture du viol, plus ils y participent », explique l’auteure et chroniqueuse Judith Lussier, qui animait la soirée au côté de l’humoriste Richardson Zéphir. Selon l’animatrice, la culture du viol est une problématique majeure qui banalise et normalise les agressions sexuelles. La Sala Rossa était à sa pleine capacité et les rires étaient au rendez-vous durant ce cabaret visant à dénoncer la culture du viol. L’événement arrive à point nommé avec le contexte actuel, où de nombreuses figures publiques se font pointer du doigt pour des inconduites sexuelles. À ce sujet, Judith Lussier croit qu’il est primordial de détendre l’atmosphère et de parler de culture du viol. « Dans les coulisses, plusieurs poussaient un soupir de soulagement parce que ça fait du bien d’en parler et de nommer les méchants », avoue-t-elle.
Le spectacle est une initiative de l’organisme à but non lucratif Je suis indestructible et la revue L’Esprit libre et met en vedette des humoristes de la relève tels que Léa Stréliski, Jo Cormier, Coco Belliveau, François Tousignant, Christine Morency et Mélanie Ghanimé. Par le sarcasme, l’autodérision, la satire et l’absurde, les artistes sur scène ont dénoncé, chacun à leur manière, la culture du viol. Dans son numéro, Coco Béliveau a d’ailleurs déconstruit avec humour l’agression dont elle a été victime un soir alors qu’elle revenait en taxi.
Combattre le feu par le feu
Inspirée par les soirées d’humour politique organisées par Je suis indestructible, l’instigatrice du cabaret d’humour, Tanya St-Jean, a eu l’idée d’un spectacle humoristique entièrement dédié à la culture du viol. Selon la responsable des événements de la revue L’Esprit libre, Maryse Brassard-Lévesque, l’utilisation de blagues combat le feu par le feu. « L’humour est souvent utilisé pour perpétuer certains clichés et stéréotypes qui participent à la culture du viol », soutient-elle.
Durant son allocution d’introduction, Judith Lussier a d’ailleurs donné l’exemple d’une blague de Jean-François Mercier faite en 2015, où celui-ci a comparé la tenue des femmes dans une discothèque à un cornet de crème glacée en Éthiopie. « Même si certains diront que ce n’est qu’une plaisanterie, ça participe à une culture où les femmes sont des proies dans un espace public dominé par les hommes », explique l’animatrice. Selon Tanya St-Jean, des humoristes comme M. Mercier choisissent de faire des blagues à caractère sexiste pour faire rire, car ils optent pour la voie de la facilité. « Ces gens-là savent ce qui vend et ne sont pas sensibilisés à la problématique », explique la fondatrice de Je suis Indestructible.
Renverser la vapeur
Le cabaret d’humour F*ck la culture du viol avait donc pour but de montrer qu’il est possible de rire de sujets délicats comme la culture du viol en s’attaquant plutôt à l’agresseur. « C’est une façon de récupérer un certain pouvoir et de renverser la situation », soutient Tanya St-Jean. Selon l’organisatrice, la soirée a prouvé que l’humour peut changer les mentalités.
« La bonne façon de rire des choses, c’est de rire de la problématique et de dire que ce comportement-là est ridicule », signale quant à elle Judith Lussier, rencontrée après le spectacle. Il est plus simple de rire de la culture du viol devant des personnes sensibilisées à la cause que devant un grand public, où la domination sexuelle est normalisée, d’après elle. « Devant des gens avertis, on sait que ce dont on rit, c’est de l’attitude ou de l’audace, et non du viol », explique-t-elle.
photo: DANIELA VARGAS MONTRÉAL CAMPUS
Richardson Zéphir et Judith Lussier lors de la soirée F*ck la culture du viol à la Sala Rossa.
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