La chasse aux agences d’artistes s’avère laborieuse pour les finissants de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM en raison du manque de promotion des étudiants, inférieure à ce qu’offrent les écoles de théâtre spécialisées, en plus d’une mauvaise réputation qui colle à la peau de l’École depuis 45 ans.
Certains étudiants se sont sentis mal préparés pour le milieu du travail. « C’était très sécurisant être à l’école. J’ai ensuite eu l’impression d’être lâchée dans la jungle à ma sortie de l’UQAM», révèle Marie-Pier Lefebvre, diplômée de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM en 2015. L’UQAM aide peu ses étudiants à se promouvoir auprès des agences. Le matériel audiovisuel nécessaire à un portfolio complet tel qu’une photographie professionnelle ou une vidéo de jeu n’est pas compris dans le programme du baccalauréat.
La jeune comédienne Laetitia Isambert-Denis a connu un parcours scolaire très différent. Diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 2016, elle affirme avoir aimé l’approche franche de l’école. « On ne te fait pas de faux espoirs. On y va avec le talent et le jeu », expose-t-elle. Les techniques du programme ont pour but d’enseigner des choses très simples, mais essentielles. Notamment, Laetitia Isambert-Denis a travaillé dès son entrée au Conservatoire à laisser tomber tous ses tics de jeu accumulés depuis le début de sa carrière.
Le Conservatoire garnit aussi le curriculum vitae de ses finissants en créant une vidéo de démonstration de jeu de caméra personnalisée pour chacun d’entre eux. Ce matériel est ensuite facilement accessible sur son site Web. En revanche, Marie-Pier Lefebvre indique ne pas encore être entrée en contact avec des agences puisqu’elle n’a pas eu la chance de se construire un tel support visuel à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.
« Il serait important de faire connaître le talent des étudiants de l’UQAM pour ainsi montrer que ceux qui en sortent sont aussi prêts que ceux des autres écoles », renchérit Louise Bergeron, fondatrice de l’agence d’artistes éponyme. L’agente a obtenu son baccalauréat et sa maîtrise en théâtre à l’UQAM en 1979 et en 1994. Elle admet que les débouchés professionnels sont peut-être le point faible de son ancienne école.
Des préjugés vieux de 45 ans
Louise Bergeron et Marie-Pier Lefebvre sont d’accord pour dire que l’UQAM est souvent décrite comme n’ayant pas un «vrai» programme de théâtre, contrairement aux établissements spécialisés. À ses tout débuts, l’UQAM se démarquait par la qualité de sa formation en enseignement de l’art dramatique, et non par sa formation en jeu. « J’ai toujours été très fière et avantagée d’avoir étudié à l’UQAM. Mais c’est parce que je voulais enseigner et faire jouer les autres », confie Louise Bergeron.
L’agente a fréquenté le programme peu de temps après sa mise en place; la structure en était encore à ses balbutiements. « Les professeurs étaient autant en apprentissage que les étudiants quant à la manière d’enseigner et d’apprendre le théâtre », laisse-t-elle entendre.
Avec le temps, une autre caractéristique qu’on attribue à l’UQAM s’est transformée en critique : les étudiants sont devenus trop « théâtreux », selon l’agente d’artistes. Les diplômés ont une technique de jeu pour la scène et non pour la télévision ou le cinéma. « On joue différemment à la télévision. Nos gestes sont plus restreints, on parle moins fort et le regard est extrêmement important », complète Louise Bergeron. «Pourtant, le jeu pour la scène, c’est aussi une caractéristique qu’on peut retrouver dans d’autres écoles, ce n’est pas propre à l’UQAM» ajoute l’agente. «Tout dépend de l’acteur. Il y a de très bons acteurs qui sortent de l’UQAM», fait valoir Laetitia Isambert-Denis.
Amélioration remarquée
Le programme de théâtre a énormément évolué depuis la fondation de l’UQAM en 1969. Les cours de jeu de caméra font maintenant partie de la grille de cheminement. La variété des professeurs bonifie le programme puisqu’ils apportent chacun des techniques différentes. « Certains sont plus jeunes et ont une approche nouvelle, et d’autres, plus âgés, offrent un enseignement plus classique », explique Marie-Pier Lefebvre.
En plus d’être la seule formation qui évolue dans un cadre universitaire, l’autonomie, la liberté et la créativité ont été au coeur de l’expérience scolaire de Marie-Pier Lefebvre. Par exemple, sa cohorte a eu la liberté d’ouvrir un cours de danse à l’université afin de compléter la formation.
La comédienne mentionne d’ailleurs que l’UQAM a franchi un gros échelon l’an passé. Olivier Kemeid, le nouveau directeur artistique du Théâtre de Quat’Sous, a décidé d’admettre sur scène tous les étudiants de l’École supérieure. Le passage par le Théâtre de Quat’Sous est d’une importance cruciale, car c’est le moment où les finissants ont la chance de jouer devant les différentes agences en plus de pouvoir y accumuler les derniers crédits pour l’obtention du diplôme. « Auparavant, alors que les autres écoles envoyaient la totalité de leurs étudiants au Quat’Sous, l’UQAM en sélectionnait une douzaine sur dix-huit », reproche-t-elle.
Marie-Pier Lefebvre s’enflamme donc lorsque des idées préconçues sur son ancien établissement d’enseignement surgissent. « Tu es comédien, c’est tout… C’est tout! Il y en a qui réussissent et qui ne sont même pas allés dans une école. Peu importe l’école que tu as fréquentée, une fois que tu en es sorti, ton parcours, c’est toi-même qui va le faire », rectifie-t-elle.
Photo: ZOÉ BELLEHUMEUR MONTRÉAL CAMPUS
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