Une autre nuit de poésie pour Philippe B

Trois ans après Ornithologie, la nuit, l’auteur-compositeur-interprète Philippe B lance son cinquième album, brillamment intitulé La grande nuit vidéo. Le musicien émérite originaire de Rouyn-Noranda dépeint en 14 chansons le chemin tumultueux que peuvent rencontrer les amoureux à l’ère des écrans, tout en étant fidèle à sa délicatesse habituelle.

L’œuvre partiellement inspirée de l’essai L’espèce fabulatrice de l’écrivaine canadienne Nancy Huston débute en force avec Explosion, une pièce tout à fait à la hauteur de l’instinct narratif de Philippe B. Véritable conteur des temps modernes, l’auteur-compositeur-interprète avait habitué son public à des images et des symboles choisis avec émotivité dans ses dernières parutions. « Pourquoi tu fermes les yeux au moment de l’explosion? C’est tellement beau la destruction. » Ces premiers mots chantés par Philippe B, simples mais chargés, sont réconfortants malgré leur symbolique obscure.

Plus tard, dans Debra Winger, Philippe B compare sa douce à la prolifique actrice américaine du même nom. Accumulant les métaphores en lien avec le cinéma, il y décrit les déboires de son couple phare sur des notes assez enfantines agrémentées par le charme planant des violons. Dans cette pièce, il est difficile de ne pas faire un rapprochement entre les amoureux présentés par l’Abitibien et des personnages, des « stars de cinéma » à l’œuvre.

Avec Rouge-Gorge, il devient de plus en plus évident que l’album décrit le récit d’un homme et d’une femme. Grâce aux répliques interprétées par Laurence Lafond-Beaulne, du duo Milk & Bone, Rouge-Gorge est d’une beauté cinglante. L’album prend alors proprement la forme d’un dialogue. L’artiste s’adresse ensuite à sa moitié fictive de sa voix satinée dans Je t’aime, je t’aime.  « Je t’aime, je t’aime, le sort en est jeté et j’en ferai le thème de ma réalité. » Encore une fois, les rapports humains sont comparés à ce qui se passe l’écran, en parallèle de nos vies.

La chanson éponyme La grande nuit vidéo laisse sans voix. Avec plusieurs moments musicaux très harmonisés qui raviront les mélomanes, la piste a des airs de musique de film. Là se trouve l’agrément principal de l’album : l’artiste vacille entre réalisme et sublime, entre des épisodes épurés de guitare classique et des moments grandioses où se mêlent toutes les composantes de l’orchestre. Un peu comme l’humain moderne balance entre fiction et réalité.

L’œuvre fabuleusement cinématographique se conclut sur une note plus près de la réalité, comme si Philippe B voulait tranquillement revenir sur terre avec son public. L’instrumentale Les disparus est relaxante et rappelle des mélodies orientales. Elle boucle à la perfection cette expérience musicale dont on ne peut négliger la poésie. Pour ceux désirant se faire bercer par une foule et par ce nouveau bijou québécois, c’est au Centre Phi le mercredi 17 mai qu’aura lieu son spectacle de lancement à Montréal.

4/5

Photo: RAPHAËL OUELLET

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