Pour empêcher la propagation de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, il faudrait repenser la sensibilisation des citoyens et des journalistes. C’est ce qu’a conclu un panel de journalistes réunis le 24 mars dernier pour discuter de la désinformation sur les réseaux sociaux.
Les médias essaient d’informer efficacement sur les réseaux sociaux, mais en plein cœur de la crise des médias, ils n’auraient plus aucun contrôle sur les nouvelles. « Chez les médias traditionnels, leur présence sur les réseaux sociaux ne fonctionne pas, car les fausses nouvelles arrivent à attirer la curiosité chez les lecteurs grâce aux titres », explique Nadine Mathurin, gestionnaire de communauté à Radio-Canada et blogueuse pour Urbania, lors de la Nuit des débats le 24 mars à Montréal.
Elle constate également que la plupart des lecteurs sur les réseaux sociaux ne lisent pas les articles et ils se plaignent sans savoir pourquoi. Pour développer la méfiance chez des lecteurs sur des sujets viraux comme les élections présidentielles américaines, Gabrielle Brassard-Lecours, cofondatrice et rédactrice en chef de Ricochet, propose de sensibiliser dès le plus jeune âge les individus aux médias.
« Tout repose sur un changement de mentalité », assure Jeff Yates, ancien inspecteur viral du journal Métro et maintenant journaliste à Radio-Canada. Selon lui, il est nécessaire de sensibiliser le public sur les réseaux sociaux, une pratique qu’il a baptisée « l’hygiène des réseaux sociaux ». Chez les médias, ce processus prendrait la forme d’une ligne éditoriale très claire. Celle-ci permet par conséquent au lecteur d’être préparé au contenu principal, et de séparer le vrai du faux.
Bien qu’il y a un enjeu économique derrière les grandes entreprises médiatiques, les utilisateurs sont amenés à prendre conscience du travail des journalistes et doivent se poser les bonnes questions en lisant des articles tout en restant méfiants sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, selon M. Yates, la méfiance des algorithmes qui régissent les réseaux sociaux doit être toujours présente chez les utilisateurs. Programmées par des compagnies privées, ces formules ciblent les intérêts et les activités de tous les utilisateurs, créant ainsi un cercle fermé, car les lecteurs ne lisent pas d’autres articles qui ne cadrent pas dans leurs intérêts. La journaliste et professeure de créativité à l’École nationale de l’humour Nadine Mathurin avance que « les gens n’ont pas forcément conscience de ça, car au fond, les gens ne comprennent pas les médias ainsi que les médias sociaux et les jeunes ne sont pas éduqués aux médias ».
Un retour aux bases journalistiques
Ce problème de chambre à écho se poserait aussi pour les journalistes. Jeff Yates prévient que « les journalistes ont des amis journalistes, donc leur mur d’actualité est alimenté d’articles. Ainsi, ils n’ont pas l’occasion de faire un fact-checking, car ils ne voient pas les fausses nouvelles ». Les algorithmes de Facebook et compagnie nous informent et permettent l’accès à une multitude d’informations, mais « sortir de sa petite bulle d’informations constitue un véritable défi » pour les lecteurs et surtout pour les journalistes, affirme Henri Assogba, professeur en journalisme à l’Université Laval.
L’opinion a également pris une place importante dans la sphère médiatique. De ce fait, il y a beaucoup de malentendus. Selon Nadine Mathurin, les citoyens doivent accorder moins d’importance à l’opinion et les journalistes doivent ramener l’esprit d’analyse dans la société, une fonction première de leur profession, car les sujets sont souvent pris à chaud et leur couverture manque de recul. Plus la crédibilité des sources est importante, plus l’impact de la nouvelle l’est aussi. « Les citoyens doivent prendre conscience qu’ils sont aussi des acteurs sur les réseaux sociaux et pas seulement des personnes qui appuient sur le bouton “j’aime” ou “partager” », conclut le professeur Henri Assogba.
Photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS
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