« C’est corrigible. » Ces paroles, les parents d’enfants intersexués les entendent inévitablement dans les premières heures de vie de leur progéniture. Au Québec, ces enfants sont rapidement pris en charge par la médecine, qui aura tôt fait de leur attribuer un sexe dit « régulier ». Une intervention systématique qui demeure critiquée.
Les personnes intersexuées naissent avec des caractéristiques génitales des deux sexes. « [Les personnes intersexuées], c’est l’ensemble des personnes qui dérogent des figures développementales normatives mâles et femelles et susceptibles d’être corrigées par la médecine durant l’enfance ou l’adolescence », définit l’activiste et professeure de sociologie à l’UQAM Janik Bastien-Charlebois, elle-même intersexuée.
C’est sur ce thème de l’intersexualité que s’est déroulée la première conférence de la saison 2016 de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM le 20 septembre dernier. Aux yeux de la médecine, ils ne sont ni « totalement mâle » ni « totalement femelle ». Trop souvent, les opérations se traduisent en de nombreuses séquelles physiques et psychiques, en plus de causer des conséquences relationnelles et socioéconomiques négatives. Janik Bastien-Charlebois déplore cette attribution qui ne prend pas en compte ce que ressent l’individu.
Ailleurs dans le monde, la pratique est différente. Professeur à l’Université du Québec à Montréal, Mathieu Boisvert se penche depuis trois ans sur le fonctionnement de la communauté hijra en Inde. « Un Hijra, c’est quelqu’un qui est né avec un corps d’homme ou avec un genre ambigu, mais qui s’identifie comme femme », explique-t-il.
Plutôt que de subir une intervention chirurgicale comme c’est le cas ici, les Hijras quittent très tôt leurs parents pour rejoindre une communauté qui deviendra leur famille. « Tous les liens de parenté qu’on retrouve dans la société ordinaire sont reproduits », souligne Mathieu Boisvert.
Au fil du temps, les Hijras ont donc reproduit une société en marge de la société. « Pour moi, la communauté hijra, c’est une avenue traditionnelle qui permet l’intégration de personnes qui ne cadrent pas dans la société normative, renchérit le professeur. Initialement, ce sont des gens ostracisés qui se sont mis ensemble pour essayer de survivre », précise-t-il.
Une situation très différente de celle vécue au Québec, où le sexe demeure une caractéristique binaire: homme ou femme. Cela peut sembler banal lorsqu’on a toujours été en accord avec son sexe de naissance, mais pour une personne intersexuée, ça peut être le défi d’une vie, selon Janik Bastien-Charlebois. Le diagnostic attribué aux individus intersexués est celui de désordre du développement sexuel (DSD). Aux yeux de la sociologue, cela constitue une pathologisation, soit l’attribution d’une maladie. Dans ce cas-ci, le sexe de naissance devient une anomalie.
En Inde, le phénomène des Hijras demeure un tabou pour le reste de la société, qui choisit de limiter les contacts le plus possible avec eux. On préfère les laisser évoluer de leur côté. Si une telle délimitation sociale n’est pas aussi catégorique au Québec, le consentement de l’enfant n’est toujours pas un prérequis pour procéder à une intervention.
Photo: FÉLIX DESCHÊNES
Janik Bastien-Charlebois, l’activiste et professeure de sociologie à l’UQAM
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