Juger de la transparence des universités au Québec est souvent peine perdue, puisque ces dernières ne sont pas tenues de comptabiliser les demandes d’accès à l’information qu’elles reçoivent, acceptent et refusent annuellement. Une réalité qui illustre bien, selon certains, les défauts de la Loi d’accès à l’information.
Le Montréal Campus a tenté d’obtenir le bilan des demandes d’accès à l’information reçues par quelques universités du Québec au cours des cinq dernières années. Si certaines d’entre elles ont pu nous fournir des chiffres permettant de dresser un portrait incomplet de la situation, au moins trois institutions d’enseignement ont carrément fermé la porte à cette requête. L’UQAM, l’Université de Montréal et le HEC Montréal ont toutes les trois affirmé ne pas détenir de document recensant les demandes reçues, acceptées et refusées depuis 2010. Si les deux premières maisons d’enseignement évoquent l’article 15 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pour justifier leur refus, la réponse du HEC est sans équivoque. «Aucun document ne correspond à votre demande», répond simplement le secrétaire général, Federico Pasin.
Seule l’Université Laval a accepté de présenter l’ensemble des données demandées, dressant le portrait global des demandes d’accès à l’information depuis 2010.
L’article 15 évoqué par l’UQAM et l’Université de Montréal spécifie que «le droit d’accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements». L’exercice effectué par le Montréal Campus démontre cependant qu’il revient à la bonne volonté des universités de dévoiler les chiffres qu’elles détiennent, puisque trois autres institutions d’enseignement ont accepté de fournir certaines données demandées.
Ainsi, l’UQAC annonce avoir reçu, depuis 2010, un total de 68 demandes d’accès, dont 65 ont reçu une réponse favorable. L’Université Concordia dévoile avoir compilé 342 demandes, mais évoque aussi l’article 15 de la Loi pour ne pas spécifier la déclinaison des réponses. L’École Polytechnique de Montréal dresse pour sa part le nombre total de demandes d’accès reçues par année depuis 2010, mais ne peut dévoiler le traitement de ces demandes que pour la dernière année. «Les données concernant la nature de la réponse aux demandes d’accès (favorable ou défavorable) ne sont compilées que depuis le 1er janvier 2015», explique dans un échange de courriels la conseillère juridique et secrétaire générale adjointe de l’École Polytechnique, Me Annick Paquette.
Un règlement aux nombreuses exclusions
L’obligation pour les organismes publics de compiler les demandes d’accès à l’information et leurs réponses est énoncée dans le Règlement sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels. Or, ce règlement exclut d’emblée tous les «organismes municipaux», les «organismes scolaires» et les «établissements de santé». Rien ne les oblige donc à compiler ces données.
Les problèmes vécus par le Montréal Campus ne surprennent pas le professeur en journalisme à l’UQAM, Jean-Hugues Roy. «C’est une autre barrière à l’accès aux documents auprès d’organismes pour lesquels nous payons tous, se désole-t-il. Vous avez mis le doigt sur quelque chose auquel il faudra penser [dans une refonte de la Loi sur l’accès aux documents].» Les exceptions touchant les municipalités, les institutions d’enseignement et les hôpitaux sont, de l’avis de l’ancien journaliste à Radio-Canada, «abusifs». «Ça donnerait un aperçu des freins à l’information, illustre-t-il. C’est ce que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec cherche à documenter, mais de grosses parts seront exclues.»
Du côté de la nouvelle ministre responsable de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santis, on souligne que des améliorations sont à prévoir. «Au printemps 2015, le gouvernement a présenté un document d’orientations gouvernementales en matière de transparence, dans lequel était réaffirmée l’intention d’établir une réglementation sur la diffusion proactive dans les secteurs municipal, de l’éducation et de l’enseignement supérieur, de la santé et des services sociaux, ainsi que des ordres professionnels qui ne sont pas soumis à l’actuel Règlement sur la diffusion», précise son attaché de presse, Patrick-Emmanuel Parent, dans un échange de courriel. Impossible toutefois d’obtenir plus de précisions sur une potentielle réforme pour le moment.
Photo : Alexis Boulianne
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