Pour certains, c’est à cause de l’exclusion sociale, du racisme occidental à l’égard des musulmans. Pour d’autres, cela prend racine dans l’histoire coloniale maghrébine, ou encore dans les dynamiques géopolitiques actuelles. Une chose est certaine, il n’y a pas de consensus sur les causes qui expliqueraient les actes terroristes dont Paris a été victime, pas même au sein des professeurs de sociologie à l’UQAM.
Les hypothèses fusaient mardi le 8 décembre lors de la conférence «Les attentats à Paris : regards sociologiques». Pour le professeur Paul Eid, l’Islam tend à devenir l’unique cadre de socialisation pour les jeunes immigrants maghrébins en France. «L’Islam moderne français, construit dans un contexte libéral qui reflète leurs valeurs, appelle les jeunes à se distancier de l’Islam traditionnel, transmis par leurs parents, et de la société française dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.»
L’islamophobie française fournirait aux jeunes radicaux une grille de lecture binaire. «Cette grille donne un sens à leurs expériences qui sont légitimées par le religieux», laquelle provoque alors une lutte des musulmans contre les non-musulmans. Ayant analysé brièvement les vidéos de recrutement du groupe État islamique, le professeur Eid affirme que «leur argumentaire repose principalement sur le sentiment de persécution en France.»
Des explications dans l’histoire maghrébine
Selon le professeur de sociologie à l’UQAM Rachad Antonius, la marginalisation s’opère plutôt à l’échelle des pays arabes, par le colonialisme, les dépossessions, bref, par la domination de l’Occident. «Les États qui ont dominé le vingtième siècle en termes de restructuration mondiale ont une responsabilité majeure dans les événements récents, puisque l’histoire coloniale des pays du Maghreb est le plus important facteur de la radicalisation des jeunes musulmans français», affirme-t-il.
Il est donc nécessaire d’arrêter de généraliser en tentant d’expliquer la situation puisque le terrorisme du groupe État islamique est l’action très ciblée d’une minorité. «La marginalisation explique l’envie de se révolter chez ces jeunes musulmans, mais pas la forme que prend cette révolte, explique le professeur Antonius. Par exemple, pourquoi capturent-ils les femmes pour les vendre ensuite en esclavage ?» La réponse se trouve dans l’aspect culturel, dans la façon dont on formule les objectifs de la révolte.
Le professeur souligne cependant un dernier aspect qui n’est toujours pas pris en compte par les paradigmes socio-économique et culturel, soit celui de l’amplification de la puissance des ces petits groupes marginaux. «Ils deviennent des incontournables géopolitiques à cause de l’instrumentalisation dont en font les ex-forces coloniales. La question géopolitique est cruciale et ce facteur engendre tous les autres.»
Photo: Getty
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