Développant l’estime de soi, les compétences et la résilience chez les jeunes, l’organisation Wapikoni mobile change la vie de 300 à 500 jeunes annuellement.
Depuis cinq ans, Wapikoni mobile et l’UQAM coopèrent afin de donner des formations intensives en cinéma aux jeunes des Premières Nations. Elles ont permis à ceux-ci de sortir de la dépendance à l’alcool et aux drogues qui sévit dans les communautés et en incitent même quelques-uns à retourner sur les bancs d’école.
The Weight (Le Mal-être)
Craig Commanda est originaire de Kitigan Zibi, une communauté Anishnabe près de Maniwaki. En 2009, lors du passage d’une équipe de Wapikoni dans sa communauté, Craig Commanda voit l’intérêt de contribuer au projet mis sur pied par la cinéaste et fondatrice de Wapikoni Mobile, Manon Barbeau. Par contre, il ne réalisera son propre film qu’en 2013, qui changera complètement sa vie. The Weight (Le Mal-être) a eu l’effet d’une thérapie sur Craig Commanda. D’une durée de quatre minutes, l’œuvre est une réflexion personnelle des effets de la dépression sur la vie d’un individu et le voyage pour s’en sortir.
«Elle te ralentit complètement, gèle tes habiletés à penser clairement et à voir les choses en perspective»,explique Craig Commanda, décrivant le fardeau de la dépression. Ce dernier noyait ses pensées dans l’alcool, comme plusieurs autres jeunes des communautés autochtones. «J’étais aux prises avec ce problème incessant et je n’avais pas la force d’en parler avec mes proches», explique l’Algonquin.
En 2014, il réalise Call and Response (La réponse de l’écho) qui s’avère être un dialogue musical entre la modernité et la tradition des communautés autochtones. Alliant la musique à sa nouvelle passion de réalisation documentaire, Craig Commanda réussit à se débarrasser de ses idées noires. «C’est à ce moment que j’ai compris que j’étais un artiste», a-t-il avoué.
Heads-up (La tête haute)
Christopher Grégoire Gabriel vient de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam, près de Sept-Îles. Quand Wapikoni passait dans sa communauté, il n’était pas intéressé à y participer. Ce sont ses amis qui l’ont convaincu alors que l’organisation lançait un concours de court métrage ayant pour thématique : l’activité qui leur a permis d’affronter la consommation abusive d’alcool ou de drogue. Dans son cas, ce sont les arts martiaux mixtes.
Plus jeune, il se faisait intimider par les jeunes blancs qu’il côtoyait, mais ayant une personnalité conciliante, il n’a jamais utilisé ses poings contre ses antagonistes. «Je me souviens, il y avait deux jeunes qui […] me disait : «Heille, esti d’Indien sale», explique-t-il dans son film Heads-up (La tête haute).
Outre le contrôle de soi, qu’il a appris grâce à sa passion pour les combats, Christopher Grégoire Gabriel a réalisé la pertinence des études supérieures. Ayant arrêté son parcours collégial en sciences humaines, il aimerait retourner à l’école. «Je pense faire un DEP en photo, étudier là-dedans ça serait bien plaisant» a lancé le jeune de 22 ans. Il voit aussi d’un bon œil son retour aux études dans ce domaine, qu’il a découvert grâce au passage de la Wapikoni Mobile dans sa communauté.
Marchande de possibilités et d’espoir
La réalisatrice et chargée de cours à l’École des Médias de l’UQAM, Françoise Lavoie-Pilote, est responsable des formations données à l’Université dans le cadre des activités offertes par Wapikoni Mobile. Depuis maintenant plusieurs années, ce sont entre huit et douze jeunes qui viennent parfaire leur formation en multimédia grâce à l’équipement professionnel disponible à l’Université.
Cette dernière explique que c’est un projet de longue haleine, mais qui réussit à chaque fois à sortir les autochtones des difficultés que vivent les communautés. «Les jeunes ont pratiquement tous été aux prises avec des problématiques assez graves, explique la réalisatrice. Pour la plupart, ils en ont gardé des traumatismes qui affectent grandement leurs interactions avec les autres.» Habituée d’enseigner à des grands groupes, elle explique que ses formations avec Wapikoni Mobile nécessitent des techniques d’apprentissage très personnelles s’approchant du tutorat.
Chaque année elle constate que ses efforts sont récompensés, puisque les jeunes finissent, pour la plupart, à s’investir grandement dans le projet. «Ils sont tous très impliqués, plusieurs font presque 12 heures de travail par jour» raconte Françoise Lavoie-Pilote. Craig Commenda et Christopher Grégoire Gabriel ont d’ailleurs participé à la dernière édition du projet qui s’est déroulée du 23 octobre au 2 novembre dernier.
Les deux jeunes ont pu peaufiner leurs aptitudes dans la réalisation d’un court métrage, Sour Eye Candy, qui a d’ailleurs reçu le prix Wapikoni Mobile du meilleur court métrage.
Toutefois, des ateliers du parcours de Wapikoni sont actuellement compromis à cause des mesures d’austérité. L’organisme est donc en campagne de financement, dans le but de permettre aux 15 communautés visitées annuellement de conserver leurs ateliers,. «Ce projet est vraiment une source de valorisation pour ces jeunes. C’est un peu comme de l’art-thérapie», a lancé Françoise Lavoie-Pilote avec un grand sourire, en assurant qu’elle sera de retour pour l’édition de l’année prochaine.
Photo : Wapikoni.ca
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