Parmi les bannières et les fanions hétérogènes brandis par les opposants aux politiques d’austérité du gouvernement Couillard, le 28 novembre dernier, ceux des acteurs du milieu de l’éducation étaient hissés en plus forte proportion.
Des enseignants aux pompiers en passant par les groupes communautaires et les grands syndicats de travailleurs; la manifestation organisée par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics (aussi appelée Main Rouge) a rassemblé une foule bigarrée de plusieurs milliers de protestataires. Sur le trajet symbolique qui a relié le quartier populaire de Parc Extension à son voisin plus cossu, Ville-Mont-Royal, les syndiqués du milieu de l’éducation étaient majoritaires.
«Notre combat s’inscrit dans une vision de l’éducation comme étant une priorité nationale à tous les niveaux de scolarité, a expliqué Marie-Andrée Gauthier, responsable des communications au Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage. Ça va de soi qu’une solidarité s’installe entre tous les groupes sociaux qui partagent cette vision.»
La porte-parole de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), Hind Fazazi, a pour sa part fait valoir que l’éducation n’était absolument plus une priorité au Québec. «Nous sommes ici, avec d’autres syndicats de l’éducation et des groupes communautaires qui font de l’éducation populaire, pour demander au gouvernement un réinvestissement dans les services publics, a-t-elle énoncé. Pour ne parler que de nous, c’est tout à fait fallacieux de minimiser l’impact [de la tarification et de la privatisation] sur l’éducation postsecondaire.»
Annonces ministérielles décriées
L’investissement supplémentaire de 80 millions de dollars en éducation annoncé le 26 novembre par le ministre des Finances, Carlos Leitão, était loin de satisfaire les enseignants rassemblés pour manifester. «Cette somme ne couvrirait même pas les réparations immobilières [nécessaires dans les écoles], a fait remarquer Hélène Cormier, enseignante de deuxième année à l’école Jean-Baptiste-Meilleur. Ça ne s’appelle pas “réinvestir”, ça s’appelle patcher les trous qui ont déjà été créés par le gouvernement.»
Plusieurs manifestants ont également décrié «l’ironie» d’imposer un effort budgétaire aux Centres de la petite enfance (CPE) en même temps de promettre un réinvestissement supplémentaire en éducation. La directrice du Regroupement des CPE de la Montérégie, Claudette Pitre-Robin, s’est désolée des compressions de 120 millions de dollars prévues par le gouvernement Couillard. Selon elle, les garderies s’inscrivent au tout début de ce qu’elle conçoit comme la «chaîne» de l’éducation. «Les CPE, c’est ce qui permet que tous les enfants partent sur la même ligne dans le milieu scolaire, a-t-elle fait valoir. Les dernières études montrent que des enfants défavorisés étant passés par un CPE arrivent à l’école avec en moyenne trois facteurs de vulnérabilité en moins.»
Selon Mme Pitre-Robin, il était tout naturel que les éducateurs soient solidaires des causes d’autres groupes sociaux, puisque les CPE représentent l’évolution des garderies communautaires à but non lucratif, mises en place par des groupes de femmes dans les années 1970. «Après avoir travaillé à la mise en place d’un système public de qualité au Québec, on veut réduire le financement des CPE au niveau des garderies à but lucratif, ce qui est tout à fait injustifiable», a-t-elle fait valoir, dénonçant la tendance du gouvernement à miser sur le réseau privé de garderies en particulier depuis 2006.
L’enseignant en sociologie au Collège Ahunstic Philippe de Grosbois s’est quant à lui insurgé des propos de la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, à l’égard des employés du réseau public des garderies, qu’il explique par une «arrogance scandaleuse» des élus libéraux. La ministre Charbonneau a jugé «irresponsable et inacceptable» la position défendue par l’Association québécoise des CPE, à savoir que les nouvelles coupes budgétaires imposées se traduisaient en une diminution de services directs aux enfants. «Ce sont littéralement des banquiers qui sont à la tête de l’État, qui n’ont aucune espèce de considération pour les services publics, croit Philippe de Grosbois. Le ministre Leitão l’a prouvé cette semaine en ressortant l’épouvantail de la décote lorsqu’il a proposé sa mise à jour économique.»
Tout au long de la marche, les discours de solidarité et les appels à l’unisson ont été préférés aux plaidoyers hermétiques propres aux luttes sectorielles. La plupart des gens consultés par le Montréal Campus ont fait valoir qu’il était «limité» et «réducteur» de considérer isolément les revendications des divers groupes sociaux, qui, selon eux, font tous les frais des politiques de «rigueur budgétaire» du gouvernement de Philippe Couillard.
Photo : Alexis Boulianne
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