Jonglant pour le moment avec les titres d’écrivain et d’éditeur, Michel Vézina est loin de mener une petite vie rangée. Audacieux et fou de littérature, ce personnage peu commun n’a pas peur de bousculer les mentalités pour créer un univers littéraire à son image.
L’après-midi printanier est déjà bien entamé lorsque l’auteur s’engouffre dans un minuscule café, entre deux des rendez-vous qui composent sa journée chargée. L’écrivain qui a tantôt travaillé dans un cirque, puis dans un théâtre ambulant, avant de porter le chapeau de chroniqueur et finalement d’éditeur, ne semble jamais à court de projets. Michel Vézina s’impose d’emblée comme un auteur rigoureux, critique et mordant; mais au fond de lui repose avant tout un homme passionné, amoureux des mots.
Élevé entre une mère qui dévorait des romans et un père qui lisait religieusement les journaux, Michel Vézina a appris à lire à une vitesse folle, dès l’âge de quatre ans. «Ça a été une révélation de comprendre que des taches sur du papier pouvaient me faire voir des images dans ma tête et éventuellement me faire vivre des émotions», se souvient-il avec sérieux. Rapidement, la littérature est devenue une passion plus grande que nature. L’écriture s’est imposée un peu plus tard, tout naturellement. «Vers 17 ans, j’ai commencé à me dire qu’il y avait des histoires que je ne trouvais nulle part dans les livres. Ces histoires étaient en moi, il fallait que je les sorte. Alors, j’ai commencé à écrire.»
Depuis, Michel Vézina a travaillé sur toutes sortes de projets aussi insolites que variés, tous chapeautés par cet incessant désir d’écrire. Encore aujourd’hui, l’homme de 55 ans est debout dès l’aurore et écrit religieusement tous les jours, de cinq à neuf heures du matin. Il ne croit pas à l’inspiration et rejette vivement ceux qui avancent qu’il faut écrire lorsque le temps et les idées sont au rendez-vous. «Je pense qu’on devient écrivain lorsqu’on a conscience de la discipline que ça impose, lance-t-il, catégorique. Tout le monde a des histoires à raconter, et moi aussi, mais depuis près de 40 ans maintenant, je bûche, je suis acharné, je mets mes tripes sur la table pour trouver mes styles d’écriture et la meilleure manière de raconter les choses.»
Dans la même veine, Michel Vézina juge sévèrement ce qui se fait actuellement dans le milieu littéraire. «On est rendus à une époque où presque tout ce qui nous est présenté comme forme d’art et de littérature se ressemble, déplore- t-il. Faire des livres n’a aucune importance pour moi. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont les livres peuvent changer le monde, peuvent nous transformer et nous permettre d’imaginer autrement.»
Vivre dans un camion
Habité par ce désir de valoriser une littérature de qualité, Michel Vézina sillonnera pour la première fois cet été les routes de différentes régions du Québec à bord d’une librairie mobile nommée Le Buvard. Elle passera par les Cantons de l’Est, où il a un pied à terre depuis 22 ans. Le camion regorgera de bouquins soigneusement choisis par l’écrivain. «Il y a un volet très personnel à ce projet, admet-il. Toute l’année, je passe 12 heures par jour devant un ordinateur, à écrire ou à lire dans une solitude absolue. Pourtant, je suis quelqu’un qui a toujours aimé être entouré de monde. Avec la librairie, je me crée un lieu public, à mon image, festif et littéraire où je vais pouvoir travailler.» Fondamentalement nomade, Michel Vézina pourra aussi profiter de sa librairie mobile pour être toujours en déplacement. Il aura aussi une version de sa libraire en France, où il sillonnera plusieurs villages chaque année.
S’il n’a aucune attente quant à la rentabilité de son projet, Michel Vézina s’enflamme lorsqu’il évoque le scepticisme de certains devant la popularité de sa librairie mobile. «C’est faux de penser qu’un projet littéraire pointu n’intéressera pas les gens. C’est totalement condescendant, s’emporte-t-il. C’est sûr que ça ne plaira pas à tout le monde, et ce n‘est pas le but non plus, mais je pense que c’est à la portée de n’importe qui. Il suffit de tendre la main et de ne pas prendre les gens pour des imbéciles.»
D’ici à ce que le camion ne soit prêt à arpenter les villages et les festivals de la province, Michel Vézina ne chôme pas. «J’espère que ce sera mon dernier projet. Je me vois bien vivre dans un camion le reste de mes jours avec des livres à vendre et des textes à écrire et à éditer», révèle-t-il en déposant sa tasse de café. D’un point de vue plus personnel, sa seule préoccupation à long terme demeure l’amour. «J’ai une blonde magnifique avec laquelle je suis très heureux, dévoile-t-il en souriant. Tout ce que je veux, c’est rester aussi amoureux d’elle et vivre le plus longtemps possible.»
Dehors, le soleil de fin de journée s’éteint lentement. L’écrivain enfile son manteau, prêt à reprendre le tourbillon de son après-midi bien rempli. Difficile de croire qu’il saura un jour s’arrêter vraiment; d’ici-là, Michel Vézina continue de rouler sa bosse avec sa passion, un livre à la fois.
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