Il en avait surpris plus d’un, François Leblanc, avec ses trois romans précédents. Les critiques les plus élogieuses avaient probablement été réservées à Quelques jours à vivre (2012). Le Devoir y avait vu un auteur «désopilant et décalé» au ton noir mais nouveau.
L’auteur québécois revient donc cette année avec le recueil de 20 nouvelles Sors de ce corps, sa première expérience dans le genre. Excursion très cahoteuse dans l’univers déchanté des anti-héros qui nous entourent, le recueil laisse émerger un style riche tout en étant victime de son rythme trop romancé. Les personnages sont complexes, mais présentés trop lentement. Les intrigues sont bonnes, mais manquent de punch.
On les voit pourtant ces univers noirs, ces anti-héros au désir trop moderne, ne demandant qu’à trouver un sens sans pouvoir le supporter. Les nouvelles les plus réussies de François Leblanc finissent par construire un miroir autour du lecteur, ces personnages trop normaux, ce pourrait bien être nous! Dans chacune des histoires, un personnage déchanté est confronté à un sens plus grand que lui qui finit par l’écraser. On comprend à la fin que c’est leur condition même, la nôtre, qui ne peut supporter le sens, préférant s’abreuver du vide infini.
Les thèmes sont assez variés, le chômeur classique à la vie sexuelle quasi-nulle, le couple infertile dans tous les sens du mot, le quinquagénaire n’acceptant pas la retraite, etc. L’auteur se jette pourtant dans la gueule du loup dès la quatrième nouvelle quand celui-ci tente de recréer l’univers de Guy Turcotte chez un de ces personnages. «Pouvais-tu être certaine d’être différente de ce médecin?» Le défi est intéressant mais le résultat bat de l’aile. L’univers narratif reste celui d’un roman, la nouvelle lui coupe le bec. L’univers psychologique de cette mère voulant poignarder ses enfants laisse un goût amer au lecteur, surtout que cette psychée souffre d’un manque d’installation. Cette ascension narrative défaillante est présente dans quelques nouvelles de Sors de ce corps, plusieurs fins d’histoires sur fond de suicide ou déchéance de personnages semblent forcées.
Au final la nouvelle semble coincer François Leblanc plutôt que de le libérer. Sa maitrise psychologique des anti-héros est excellente, mais le ton et les punchs sont défaillants. La lecture de ses romans précédents serait plus recommandée pour tout lecteur voulant s’immerger dans cet univers extraordinairement ordinaire qu’est notre condition.
Sors de ce corps, François Leblanc, Triptyque, 2015, 192 pages.
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