Imaginez l’UQAM sous l’eau. Vous êtes des poissons, ils sont des baleines, je suis une crevette. Le passage sous-terrain du métro au corridor du R devient un corridor sous-marin. C’est l’endroit où il y a du courant, comme le fleuve Saint-Laurent. On marche vite, on se fait aller les nageoires, allez hop! on barbote jusqu’à notre cours.
Par chance, l’UQAM poursuit sur sa lancée environnementale pour que notre océan de savants se porte bien. Un Fonds vert pour aider les abeilles, faire pousser des toits verts, bannir l’eau en bouteille. Ça tombe bien, il y en a plein les corridors, de l’eau. C’est rigolo, ici.
Mais depuis quelques temps, nos collègues du Fleuve ne reconnaissent plus leurs tourbillons habituels. Leurs nageoires ne savent plus nager, leurs fanons n’ont plus à manger.
Petits poissons, gros mammifères et autres coraux, sachez qu’un projet de forage pour extraire le pétrole qui ruissèle en dessous de nos collègues du Fleuve risque de leur causer quelques malaises dans les prochains mois. Les pirates ont encore soif d’or noir. Ils se ferment l’oeil qui leur reste et creusent avec leur machinerie moderne et leur vision dépassée de l’environnement. Oubliée, la chasse-partie.
J’annonce la perte de nos repères, si les bélugas meurent.
L’espèce est menacée depuis 2004.
Cacouna, près de Rivière-du-loup, est la cible des travaux de forage déjà entrepris à l’aveuglette par TransCanada, puis bloqués par le ministère de l’Environnement.
Cacouna, aussi Ville du porc-épic au coeur d’une zone de protection marine, est une poupounnière de baleines blanches.
Nos maîtres scientifiques s’alarment devant la trouvaille d’un nombre grandissant de nouveaux-nés. Lorsque les tubages s’installent et que les travaux font rage, le stress causé s’ajoute à l’interférence du trans- port maritime dans leurs communications familiales. Dépourvus de leurs repères, ils s’échouent, n’arrivant plus à s’entendre, à déceler la nourriture et à suivre leur maman jusqu’à la zone essentielle à leur survie touchée par les travaux.
Si, en tant qu’étudiante, je me rends compte de l’absurdité de la chose, comment le ministre peut-il croire qu’il aura l’aval des scientifiques pour poursuivre? Un fleuve d’aberrations déferle au provincial: aucune amende n’a été imposée à TransCanada qui a enfreint les règles du certificat d’autorisation, aucun avis scientifique n’a été demandé. Le ministère a demandé à TransCanada d’ajuster les travaux, pour rencontrer les normes de bruit affectant les bêtes du Saint-Laurent. Il s’agit d’un quai de 500 mètres et deux pétroliers de 250 mètres. L’opposition a réclamé au pirate Heurtel une enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’Environnement.
Mais la pétrolière albertaine a déjà fait savoir que seul Ottawa prendrait la décision d’autoriser la construction de son pipeline. La juge de la Cour supérieure a d’ailleurs mentionné que TransCanada subirait des préjudices économiques si les travaux étaient retardés.
Plus rien de rigolo.
Dans les journaux, on dresse les noms des politiciens ayant eu des liens avec la compagnie.
On pointe du doigt la nonchalance du ministre, qui n’a pas respecté sa propre loi de protection des espèces menacées. Les avis «scientifiques» provenaient du fédéral…et de TransCanada.
Si tout le monde est d’accord que ce projet n’a aucun sens, pourquoi le gouvernement s’entête-t-il? Ça sent la collusion. Le ministre de l’environnement s’enfonce et nous prend pour des cons.
Chers uqamiens, maintenant que nous sommes tous au courant, je me demande bien qui a réellement une cervelle de poisson, dans ce grand navire qu’est le Québec.
Catherine Paquette
Rédactrice en chef
redacteur.campus@uqam.ca
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