L’ouverture prochaine d’un centre d’injection supervisée au Cactus, près de l’UQAM, cherche toujours consensus. Les bienfaits d’un tel projet ont réussi à piquer la curiosité de l’Université, initialement opposée à cette idée.
Le problème est récurrent, les seringues pullulent chaque année sur le territoire de l’UQAM. D’emblée fermée à l’idée d’installer un centre d’injection supervisée à quelques pas du pavillon J.-A.-DeSève, l’Université du peuple semble maintenant prête à coopérer avec les responsables du projet. «L’UQAM est toujours ouverte à la recherche de solutions pour le quartier et collaborera avec ses partenaires et avec la Ville pour faire face à cette problématique», affirme la directrice des relations de presse et événements spéciaux de l’UQAM Jennifer Desrochers.
Un centre d’injection supervisée au Cactus Montréal, organisme communautaire de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang, permettrait d’éradiquer le problème des seringues souillées à l’UQAM, pense sa directrice, Sandhia Vadlamudy. «En ce moment, une des difficultés, c’est que les gens s’injectent dans les toilettes de l’UQAM en l’absence d’une alternative possible», résume-t-elle. Le service d’injection supervisée offre une autre action à celles des lieux publics et une possibilité de le faire sans danger.
Professeur à l’École des médias de l’UQAM, Jean-Hugues Roy a souvent été témoin de ce phénomène. «Durant toute la dernière année, j’ai vu des gens se piquer une demi-douzaine de fois dans la salle de bains en face du local J-4315, près de mon bureau», se rappelle-t-il. Leur présence représentait un risque pour les gens qui passaient par là. «On aurait pu se promener en sandales et se planter le gros orteil dans une seringue! La possibilité était minime évidemment, mais ce n’est pas agréable», affirme-t-il. Une formation qu’il a reçue sur Internet destinée à des intervenants en toxicomanie l’a l’aidé à affronter la situation. «J’avais lu des dépliants sur différentes drogues. J’avais laissé dans les salles de bains de la documentation pour trouver des intervenants en espérant que les gens les ramassent et cherchent de l’aide, indique le professeur. Je n’osais pas trop appeler la sécurité, je voulais les aider.»
Après l’ouverture d’un centre d’injection supervisée, l’UQAM n’aurait pas à craindre une augmentation du taux de criminalité et du nombre de personnes intoxiquées autour de son campus, selon Sandhia Vadlamudy. «Toutes les recherches scientifiques démontrent que là où il y a eu implantation d’un service d’injection supervisée, ce phénomène ne s’est pas produit, indique la directrice. Au contraire, la situation dans la communauté s’est améliorée.» Le quartier environnant bénéficie toujours de l’introduction d’un tel service. «Ça augmente la qualité de vie des quartiers, car la preuve est faite que cela diminue la présence de seringues, l’état d’intoxication de personnes et l’injection dans l’espace public, car ils vont avoir un endroit sécuritaire pour le faire», explique la médecin-conseil au bureau du Directeur de santé publique de Montréal Carole Morissette. Le projet présenté a été très bien préparé, d’après Sandhia Vadlamudy. «Tout est fait pour qu’une fois que les services démarrent tout fonctionne bien et qu’on puisse bien réagir et pouvoir s’ajuster au cas où il arrive des incidents, explique-t-elle.» Pour assurer la viabilité de son projet, Cactus a travaillé de concert avec le Service de police de la Ville de Montréal et le Collège des médecins.
Jean-Hugues Roy voit lui aussi d’un bon oeil l’ouverture d’un centre d’injection supervisée près de l’UQAM. «Si les gens n’ont plus à se cacher dans les salles de bains pour s’injecter et qu’ils ont un lieu sécurisé où ils peuvent le faire avec des seringues propres, tout le monde va y gagner, croit-il. Cela devrait améliorer la qualité de vie des étudiants et du personnel enseignant.» Les seringues à la traîne sont un problème particulièrement épineux puisque le taux de maladie chez les toxicomanes est très élevé. «Si on regarde les taux d’infection pour les gens qui s’injectent des drogues, 20 % sont atteints du VIH et 68 % souffrent d’un virus hépatique. C’est épidémique», constate Sandhia Vadlamudy. Les centres d’injection supervisée peuvent diminuer la transmission de ces maladies, selon Carole Morissette. «Les centres peuvent réduire la possibilité de transmettre des maladies, mais surtout de prévenir les surdoses et de prévenir les décès», note la médecin. À son avis, la vague de décès par surdoses qui a déferlé sur la province au printemps dernier aurait pu être évitée. «Si on avait eu les services d’injection supervisée au moment de l’éclosion, on aurait pu y rediriger les patients et sauver plusieurs vies», se désole-t-elle.
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