Le lièvre et la tortue

Les athlètes paralympiques canadiens n’auront pas qu’à se démener pour atteindre le sommet des podiums à Sotchi. Ils devront aussi se battre pour la reconnaissance de leur victoire.

À moins de 100 jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Sotchi, près d’une soixantaine d’athlètes canadiens se préparent à vivre quelques-uns des moments les plus importants de leur vie. Certains d’entre eux fracasseront des records, mais certainement pas les cotes d’écoute. À l’ombre des Jeux olympiques, les Paralympiques peuvent apparaître comme des Jeux de second ordre aux yeux du public ou du moins, des diffuseurs. La partie n’est toutefois pas perdue pour ces amateurs de haute performance.

Selon le directeur de Parasports Québec, Marc-Antoine Ducharme, le Canada tire de l’arrière quant à la visibilité des Jeux. Il dénonce le choix du contenu des grilles de programmation des médias télévisuels, souvent établi par une seule personne. «Il faut convaincre le bon groupe d’individus et démontrer qu’il y a un intérêt réel, mais aussi une certaine rentabilité», dénote-t-il. Lors des Jeux paralympiques de Londres, le multiple champion de natation Benoit Huot a gagné la première médaille d’or canadienne et la nouvelle a rapidement fait le tour du pays. «Ma photo était à la Une de quelques dizaines de journaux, mais on ne pouvait pas visionner ma course, raconte-t-il. S’il y a un intérêt pour la nouvelle, il y en aura aussi pour son visionnement.» L’athlète estime nécessaire qu’un télédiffuseur décide de se mouiller pour que les autres emboitent le pas. «Un média public tel que Radio-Canada devrait faire des Paralympiques une priorité et oublier les profits ou les cotes d’écoute», raisonne le récipiendaire de 19 médailles paralympiques.

Il y a de cela 30 ans, le Comité paralympique canadien s’est penché sur la question de la perception du public envers les handisports. Il a constaté qu’il y avait souvent un sentiment de pitié face aux athlètes. «Ce n’est pas du tout ce qu’il faut, déplore Martin Richard. Les athlètes paralympiques sont avant tout des gens exceptionnels.» Selon Benoit Huot, les personnes avec un handicap ont longtemps été mises de côté, mais aujourd’hui elles prennent leur place. «Il y a 50 ans, tu aurais dit aux Londoniens qu’un jour il y aurait des femmes qui joueraient à Wimbledon et tout le monde aurait bien ri, lance-t- il. C’est la même chose.»

Pour revenir dans la course, le Comité a alors entrepris des mesures pour mettre en avant-plan les performances des athlètes et non leur handicap. Le directeur évoque qu’au début de sa carrière, les Paralympiques étaient abordés dans la section lifestyle des médias. «Dorénavant, c’est la section Sports qui en fait la couverture, lance-t-il, triomphant. Ce sont des changements comme ça qui aident la cause.»

Les athlètes et le Comité paralympique ont été encouragés à faire preuve de débrouillardise pour gagner leur combat. Les nouveaux médias et les réseaux sociaux permettent désormais aux Paralympiques de se faire connaître. Pour la première fois, cinq plateformes numériques comme Radio-Canada et Sportsnet feront la couverture des Jeux pour un total de plus de 350 heures de diffusion. Pour le gardien de l’équipe nationale de hockey sur luge Benoit St-Amand, suivre en direct les compétitions disponibles sur Internet est vraiment un pas de géant. «Cela aide énormément à se faire connaître, car plusieurs athlètes ont des pages Facebook ou des comptes Twitter alors nous sommes en mesure de diriger les gens vers le bon lien pour voir la compétition», soutient-il.

La réponse du public à la nouvelle couverture médiatique des Jeux paralympiques se fera connaître en mars. D’ici là, même si le handisport ne fait pas toujours les grands titres, il gagne d’années en années davantage d’adeptes et la compétition devient féroce. «Je nage beaucoup plus vite qu’à mes premiers Jeux et pourtant je gagne moins de médailles, s’exclame en riant Benoit Huot. Je préfère avoir de la compétition pour que mes victoires aient encore plus de valeur.» Lors des derniers Jeux d’hiver à Vancouver, le Canada s’est classé au troisième rang mondial en remportant 19 médailles, dont 10 d’or. Le directeur de Parasports Québec, Marc-Antoine Ducharme, est convaincu que ces Jeux ont contribué à augmenter la popularité des Paralympiques au sein des fédérations sportives. «Avant Vancouver, au hockey sur luge, il n’y avait que deux clubs dans la province. Dorénavant, on en compte huit.»

[one_half last= »no »][toggle title= »Des médailles d’or, mais assez d’argent dans les poches?« ]

Même si le gouvernement canadien et les fédérations sportives épaulent grandement les athlètes, ceux-ci ne reçoivent pas assez de subventions pour vivre de leur sport. Benoit St-Amand, qui touche le maximum des programmes de financement du gouvernement provincial et fédéral, n’arrive pas à joindre les deux bouts. Tout comme les athlètes sans-handicap, les sportifs paralympiques doivent eux aussi se trouver des commanditaires ou un emploi.

Selon Benoit St-Amand, les athlètes olympiques et paralympiques partagent les mêmes défis. Les coûts de l’équipement s’avèrent toutefois être une différence significative. «C’est environ 800$ par luge. C’est dans l’équipement le moins cher lorsque l’on sait qu’un fauteuil adapté pour l’athlétisme ou le basketball, par exemple, peut tourner autour de 2500$», fait remarquer Marc-Antoine Ducharme. Les fédérations sportives viennent alors en aide à ceux qui veulent débuter le sport, mais qui n’ont pas les moyens de se payer de tel équipement.

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Marie-Ève Blais de Hockey Québec laisse planer un doute au sujet de cette évolution. «Est-ce un effet des Paralympiques ou le résultat de beaucoup d’efforts?», se questionne-t-elle en souriant. Que l’on attribue les mérites de ce progrès aux Jeux de Vancouver ou à la publicité, le parasport est maître dans l’art de repousser les limites. Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.

 

 

Crédits photos: CPC/HC/Matthew Manor , Comité Paralympique Canadien et Matthew Murnaghan 

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