Avec une approche novatrice et une détermination adamantine, Catherine Dorion esquive les raccourcis, puis plonge en politique pour redorer le blason de l’indépendantisme.
Des effluves de café envahissent les couloirs de l’appartement, situé au pied du typique escalier Colbert à Québec. Catherine Dorion, habillée de bleu des pieds à la tête, prend sa ration matinale de caféine, calée dans sa bergère fuchsia ornée d’amas fleuris. Dans un rare instant de répit, pendant que sa fille arpente le logis, la jeune politicienne à chevelure blonde retrace d’une voix confiante le chemin des derniers mois. Grâce à la popularité fulgurante de sa vidéo de candidature pour Option nationale l’été dernier, la comédienne Catherine Dorion a été propulsée sur la scène politique québécoise par une approche nouvelle teintée d’authenticité.
La militante reste ébahie par l’ampleur de cet évènement. Partie pour Terre-Neuve aux germes de la campagne électorale provinciale, Catherine Dorion avait préparé une vidéo, «un petit quelque chose» selon ses dires, dans l’éventualité où celle-ci se déclencherait en son absence. «J’ai seulement été authentique, dit le fond de ma pensée. C’est ben ordinaire. Tout le monde peut faire ça», lance avec humilité l’auteure de plusieurs textes militants indépendantistes.
Multiplateforme, Catherine Dorion continue d’accorder une grande place à l’art dans son quotidien. En plus des chroniques dans plusieurs médias, l’interprète de Caroline Saint-Maurice dans L’auberge du chien noir agit à titre de directrice artistique de la compagnie de théâtre le Soucide collectif. Deux fois finaliste nationale au Grand slam du Lion d’or, la jeune femme a rédigé une composition pour la lecture publique NOUS? pendant le printemps érable. «J’adore produire mes propres créations, s’exclame la détentrice d’un DEC en littérature. Ça m’a permis de marier mes intérêts politiques à la composition!»
Issue du Conservatoire d’art dramatique de Québec, Catherine Dorion s’est intéressée aux enjeux politiques mondiaux lors de la diffusion d’un reportage «vraiment dark» d’Antoine Laprise sur l’Afghanistan, quelques années auparavant. «Le documentaire m’a vraiment frappée, puis attirée vers la politique internationale», raconte-t-elle pour illustrer la bifurcation de son parcours scolaire. Globetrotteuse à ses heures, initiée aux pérégrinations par son père, Catherine Dorion s’est inscrite dans un baccalauréat à l’UQAM en droit international, puis pour une maîtrise en sciences politiques du King’s College à Londres. Aujourd’hui assistante à la mise en scène pour Robert Lepage, la jeune femme a transposé son militantisme vers la politique nationale lorsqu’elle constate l’absence du Québec dans les instances décisionnelles mondiales.
Une campagne enrichissante
La jeune artiste originaire de la Haute-Ville de Québec ne pouvait espérer mieux pour sa première campagne électorale. «Ça s’est full bien déroulé, lance d’un ton ravi Catherine Dorion. Nous avons eu presque 8 % des voix. C’est quatre fois plus que la moyenne nationale!» Aux dires du chef d’Option nationale(ON) Jean-Martin Aussant, l’implication et le résultat de la jeune politicienne ont contribué à crédibiliser l’image du jeune parti. «Catherine ne parle pas comme le derrière d’une boîte de céréales. Je trouve qu’elle est articulée et que sa franchise peut réellement ramener la confiance de la population envers la politique», se réjouit-il.
Réticente à déranger les citoyens par la pratique du porte à porte, Catherine Dorion s’est laissée prendre au jeu par une équipe motivée. Elle a également trouvé son compte dans les assemblées de cuisine où elle a pu mettre à profit sa créativité d’artiste. Le concept s’inspire des tables rondes qu’organisait dans les années 70, René Lévesque. «La créativité relie vraiment toutes les différentes branches dans lesquelles je travaille, indique Catherine Dorion, alors que sa fille Félicie, débutante à la marche, vient de tomber au sol pour une seconde fois. Pour la campagne, nous avons dû faire preuve d’imagination pour faire connaître nos idées.»
Le spectre politique scié à nouveau
D’après cette polyglotte parlant le français, l’anglais, l’espagnol et le russe, le futur de la politique ne s’axera plus dans les traditionnelles oppositions droite-gauche, ni souverainiste-fédéraliste. «Je pense qu’on est à l’aube d’un nouvelle ère où la vieille politique électoraliste, basée sur les campagnes publicitaires d’insultes, le statu quo ou le désir de garder sa job sera opposée à une nouvelle vague de politiciens déterminés à faire avancer le Québec pour qui l’idéal passe avant l’emploi», avance Catherine Dorion, qui se représentera dans Taschereau pour les prochaines élections.
Mère à temps plein, Catherine Dorion soulève du sol, puis installe dans ses bras Félicie. Pour la consoler de cette énième chute, l’artiste doit sortir l’artillerie lourde; ses talents en jonglage de quilles. De sa main libre, les mouvements circulaires de la quille bleue ramènent rapidement un sourire au visage de sa fille. Mission accomplie, la jeune politicienne se déplace vers la cuisine, s’installe devant son MacBook pour la composition d’un autre texte «souverainistiquement» engagé.
Photo: Frédéric Comeau
Laisser un commentaire