Une valse aux adieux

Le temps est précieux, vérité universelle s’il en est une. Le temps passé dans les bras d’un amoureux à se réciter des « je t’aime », à se perdre dans les yeux l’un de l’autre et même à vivre quelques bouderies le devient encore plus. Lorsqu’après 52 ans de vie commune, on doit vivre avec une douce moitié atteinte d’un cancer et qui en mourra incessamment, le temps se fige puis s’étire dans un calvaire agonique. Gilles Archambault, romancier et réalisateur à Radio-Canada, a vécu ce supplice auprès de sa défunte femme Lise. Sous la forme d’un journal, il relate les derniers instants vécus auprès d’elle et se remémore, dans son appartement trop grand pour lui, des souvenirs de jeunesse.

La maladie de Lise a été longue et difficile. Se sentant souvent impuissant, Gilles Archambault devine que la femme qu’il aime depuis un demi-siècle déjà lui échappe. Heureux et amoureux des bonnes tables, le couple ne peut plus aller au restaurant et la mort est omniprésente dans toutes leurs conversations. L’auteur ressasse des regrets qui le fouettent en pleine figure à chaque étape de la maladie et à l’approche de la mort qui n’est plus bien loin. Il intime une réflexion qui n’est pas moralisatrice sur la vie qui s’écoule et nos choix comme humains. Il était un couple et il était vivant que par la présence de Lise. Malgré quelques esquives derrière sa carrière et ses écrits du vivant de sa femme, il n’a jamais cessé de l’aimer ni de la trouver belle, et ce, même sous son masque de cancéreuse.

Ce dernier au revoir de Gilles à sa Lise est une ode à l’amour. Il n’y a que la surcharge de citations empruntées aux auteurs et poètes affectionnés par Archambault qui impose une certaine lourdeur au livre. Sans être plaquées, elles brisent le moment d’intimité entre l’auteur, le lecteur et les souvenirs de Lise. Malgré la générosité d’Archambault d’exposer une partie de sa vie à nue et sans filtre, il sait néanmoins rester discret sur des broutilles qui ne feraient plaisir qu’aux voyeurs. C’est la simplicité du livre et des propos qui en fait une œuvre profondément bouleversante.

Qui de nous deux est un livre de passage obligé. Le temps est un malin. Il vaut mieux ne pas attendre après 50 ans et se rendre compte trop tard que l’on n’a pas dit à tous les jours «tu es belle» à la personne qui fait battre notre cœur. Les regrets pourraient alors se transformer en un récit de 119 pages.

Qui de nous deux, Gilles Archambault, Boréal, 119 pages.

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