Un bilan à mettre à sac

Les Québécois ont beau consommer deux fois moins de sacs de plastique qu’en 2008, ils sont toujours des champions de la production de déchets.

Le sac de plastique est aujourd’hui devenu persona non grata dans les épiceries du Québec. Quatre ans après l’adoption du Code volontaire de bonnes pratiques sur l’utilisation des sacs d’emplettes et l’apparition du tarif de 5¢ par sac, force est de constater qu’on a éliminé qu’une goutte d’eau dans l’océan des déchets produits chaque année au Québec.

En 2008, le gouvernement avait lancé comme défi à l’industrie de réduire de moitié le nombre de sacs de plastique utilisés par les Québécois. L’objectif a été atteint en 2010, soit deux ans plus tôt que prévu. Les Québécois ont ainsi évité la consommation de 1,2 milliard de sacs de plastique. Selon une étude de RECYC-QUÉBEC parue en 2007, ils représentent cependant moins de 2% du tonnage de matières résiduelles produites au Québec par le secteur résidentiel. La réduction du nombre de sacs de plastique n’a donc qu’un impact minime sur la quantité de déchets solides produits au Québec. Pour le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), Karel Ménard, l’élimination des sacs de plastique était loin d’être l’enjeu principal du plan de réduction des déchets, mais c’était le plus visible et le plus ressenti par les consommateurs. «Si on voulait réellement réduire la quantité de déchets produits par les consommateurs, on devrait s’attaquer au problème du suremballage», plaide-t-il.

Les dégâts causés à l’environnement par un sac de plastique sont tout de même bien réels, principalement à cause de sa très grande longévité. Un sac à emplettes en polyéthylène, le principal ingrédient du plastique, prendrait entre 200 ans et 400 ans à se décomposer dans la nature. Ces chiffres sous-estiment le temps de décomposition, selon le professeur à l’école de design de l’UQAM et spécialiste de l’industrie du plastique, Koenraad De Winter. «Le polyéthylène se détériore sous l’action des rayons UV. Si le sac est enfoui, il peut prendre un temps extrêmement long à se décomposer. On parle là de centaines, voire de milliers d’années!» Cette pollution reste toutefois négligeable en comparaison à tous les déchets solides produits annuellement.

Coup d’épée dans l’eau ?

Pour la porte-parole de RECYC-QUÉBEC, Erwanne Plisson, la diminution de la consommation des sacs plastiques reste un élément positif. Le Québec affiche toutefois un retard important face à certains pays comme la Belgique qui a complètement éliminé les sites d’enfouissement du traitement de ses déchets solides. L’atteinte d’un tel résultat passera vraisemblablement par une profonde modification de nos habitudes de vie, explique le directeur général d’Environnement jeunesse, Jérôme Normand. «Au Québec, depuis 20 ans, on a misé sur le recyclage et c’est là qu’allait la plupart des efforts de sensibilisation, note-t-il. Il va falloir commencer à se demander si on a besoin de produire et de consommer autant de plastique. Si on sait qu’il va y avoir une crise du pétrole dans 10 à 50 ans, peut-être qu’il faudrait penser à économiser la ressource. » Les scientifiques s’entendent généralement pour dire que le 21e siècle verra la fin du pétrole, le principal composant du plastique. Il n’existe pour l’instant pas de solution de remplacement efficace.

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Déplacer le problème

Les sacs dégradables, alternative envisagée aux sacs plastiques, représentent l’une des pires solutions de rechange à en croire le directeur du FCQGED. «Les sacs dégradables ne valent rien. Il n’y a aucune règlementation qui encadre les différentes appellations. Les fabricants peuvent écrire ce qu’ils veulent sur ces sacs, s’indigne Karel Ménard. Cela pourrait causer énormément de problèmes de contamination du plastique dans les centres de tri.» Même son de cloche du côté de Koenraad de Winter. «Les sacs compostables ne peuvent être triés ou différenciés des autres parce que la terminologie n’est pas normalisée. Cela peut causer la contamination du polyéthylène avec lequel on fait les sacs et diminuer sa qualité.» Il existe bien une certification accordée pour les sacs compostables par le bureau de normalisation du Québec (BNQ). Celle-ci se base sur des normes internationales de toxicité et de vitesse de dégradation des sacs, mais elle ne fonctionne que sur une base volontaire. L’autre solution de rechange, le sac réutilisable, rapidement adopté par les Québécois pour remplacer le traditionnel sac de plastique, n’est pas une alternative verte à 100% non plus. Les groupes environnementalistes ne s’entendent pas sur les vertus du sac réutilisable, trop polluant à produire et impossible à recycler, il est loin pour eux de représenter une solution miracle.

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Consommer sans plastique

Des alternatives plus vertes permettant de remplacer le plastique commencent à être envisagées. La bonne vieille fibre de papier recyclé des boîtes d’œufs est une bonne façon de préserver les aliments, affirme Koenraad de Winter. De nouvelles technologies permettent aujourd’hui de concevoir des objets en bois beaucoup plus complexes ce qui permettrait de remplacer l’utilisation du plastique. Des composés organiques comme l’amidon permettent également de fabriquer des matériaux qui pourraient remplacer le plastique à long terme.

 Illustration: Dominique Morin

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