Armé de sa caméra, Mario Cyr capture la vie marine pour transmettre la beauté et la fragilité du monde. Plongée dans l’univers d’un caméraman qui met la réalité de l’océan en perspective.
Un homme à l’allure sportive entre d’un pas pressé au Second Cup près de la station Berri-UQAM. Mario Cyr s’assoit, les lèvres élargies en un sourire, café et muffin au citron à la main. Verbomoteur, il ne les touchera qu’occasionnellement, trop animé par sa passion pour la plongée et les paysages marins.
Passionné par l’eau, Mario Cyr combine les images sous-marines, le reportage et la plongée. Pionnier dans son domaine, il explique modestement qu’il est le premier à avoir filmé des images en plongée d’ours polaires et de morses. Madelinot d’origine, il côtoie la mer depuis toujours. Son amour de la plongée lui vient du romancier canadien, Farley Mowat. «Il vivait proche de chez moi et il a demandé à mon père si je pouvais venir avec lui sur son bateau pour faire de la plongée, lance-t-il perdu dans ses souvenirs.» L’auteur avait l’habitude de descendre dans le fond de l’eau avec des ardoises sur lesquelles il écrivait. Sur la plage, Farley Mowat a fait respirer le jeune Mario Cyr dans le détendeur pour la première fois. Il avait alors 12 ans. Sans le savoir, l’écrivain lui a donné l’inspiration nécessaire pour insuffler vie à ses images.
Il raconte en se passant la main sur le crane que chaque caméraman possède une signature dans ses clichés. La sienne le plonge dans des expériences téméraires. «Je refuse d’utiliser les zooms, explique le plongeur. Je veux toujours m’approcher de plus près pour faire des gros plans.» Via sa lentille, il a permis aux gens de découvrir la faune et la flore marine de partout à travers la planète. C’est cependant sous les glaciers de l’Arctiques qu’il préfère tremper ses palmes. Le royaume des ours polaires, des Inuits et des grands froids ne le laisse pas de glace; il y est d’ailleurs retourné 25 fois depuis 1991. «Il y a toujours quelque chose de nouveau à aborder. C’est un endroit primitif, raconte Mario Cyr en faisant valser ses mains dans les airs. Le silence et les paysages en font un lieu incroyable, euphorique même.» N’ayant pas froid aux yeux ou au reste du corps, il est l’un des rares spécialistes en eaux froides.
Intrigué par l’eau vue d’en dessous, il enfile dès 1977 les palmes en tant que plongeur professionnel. C’est toutefois par hasard lors d’un tournage en 1991, qu’il décida de partager sa passion par sa lentille. «J’amenais des gens plongée avec les phoques du Groenland, se souvient-il. Une équipe de caméramans de la Californie est venue, mais ne pouvait pas vraiment travailler vu la température de l’eau. Le soir, je leur ai demandé comment fonctionnait leur matériel pour tenter de sauver le tournage.» Depuis, il a pataugé dans plus de 100 productions, dans 54 pays différents, pour les grands noms du reportage. National Geographic et la chaîne britannique BBC ont souvent recours à son œil et à ses habiletés de plongeurs.
Clichés de conscientisation
Mario Cyr focus sur la beauté du monde marin pour témoigner de sa fragilité. Aux premières loges, il assiste aux répercussions des changements climatiques sur celle-ci. Pour insuffler un vent de changement, il se rend dans les écoles transmettre une idée aux jeunes: celle qu’ils ont le pouvoir de faire une différence. Il s’apprête à boire une gorgée de café, mais s’enflamme. «Il faut arrêter de blâmer les industries et se dire que l’on peut faire une différence.» Il explique, en frappant son poing dans sa paume, qu’il ne croit pas au tapage du discours scientifique sur la population. «Quand tu essayes de trop faire rentrer quelque chose, on dirait que les gens prennent cela en aversion, fait-il valoir. Tandis que montrer de belles images peut amener le public à se conscientiser, à vouloir faire changer les choses.»
Ses voyages l’amène à être curieux par tout ce qui l’entoure. «C’est tellement minime ce que l’on connaît sur la faune, la flore, se ravie Mario Cyr. Je ne serais jamais rendu au bout des connaissances. Il en est de même pour la photographie et pour la prise de vidéo.» Bien que plusieurs projets s’offrent à lui, il rêve de tourner son propre film. «Je pense que je suis rendu là, dit-il sur le ton de la confidence.» Ses yeux bleus brillent alors qu’il raconte son ambition de filmer un amalgame des 15 plus beaux sites marins du monde. «Je voudrais permettre aux gens de voir les beautés de partout autour de la planète.» Il est conscient des obstacles à la réussite susceptibles de noyer un tel projet. Il bâtir une petite équipe compétente prête à vivre dans des conditions difficiles pour de longues périodes. Son plus gros défi reste toutefois le coût d’une telle production. «Il ne me reste plus qu’à trouver un riche mécène qui croit à mon projet», s’esclaffe-t-il d’un rire tonitruant.
Photo: Vanessa Hébert
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