Démocratie à deux vitesses

Au moment d’écrire ces lignes, près de 200 000 étudiants québécois sont en grève. De ce nombre, au moins quelques milliers s’étaient pourtant dits défavorables à ce moyen de pression. Parfois par conviction, souvent par individualisme. Malgré tout, on leur demande de boycotter les cours, de ne pas franchir les piquets de grève, de respecter la décision de la majorité. Parce que c’est ça, vivre dans une démocratie.

Toutefois, lorsque les quelque 12 000 membres de l’Association étudiante de l’École des sciences de la gestion (AEESG) se prononcent contre la grève générale illimitée, leur position ne mérite pas d’être respectée. «Au nom de la solidarité étudiante, les étudiants en gestion n’ont plus le droit à leur opinion.» C’est à peu près le discours qu’ont tenu des étudiants en grève de l’UQAM le 26 mars dernier, lorsqu’ils ont érigé des lignes de piquetage autour de l’Université, paralysant son campus central et empêchant les étudiants de l’ESG d’assister à leurs cours.

Je le concède: il est extrêmement décevant que l’AEESG ait refusé de se joindre au mouvement de grève générale illimitée qui balaie le Québec. Mais la démocratie, ça ne s’applique pas seulement quand ça nous donne raison! Qu’on fasse des tournées pour lever les cours appartenant aux facultés en grève, c’est normal. Je ne crois pas à la «majorité silencieuse» qui est contre la grève, mais doit composer avec les caprices d’une poignée de révolutionnaires sans vergogne. La majorité, elle avait juste à se lever et à gueuler, si elle n’était pas contente. En attendant, qui ne dit mot consent.

On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. «Et on ne fait pas de moyen de pression sans en pressuriser [sic] quelques uns», écrivait une militante sur la page Facebook de l’événement. Vrai. Mais on se trompe de cible!

Dans la lutte actuelle, les étudiants doivent rester unis. Qu’ils soient en grève ou non. Les membres de l’AEESG ont accepté de lever les cours pour la manifestation du 22 mars dernier. C’était un début. Un signe d’ouverture. Timide, certes, mais symbolique. Et comment les remercie-t-on? En leur opposant un mur de grévistes révolutionnaires et sans vergogne, vraisemblablement investis d’une mission divine. En leur disant qu’aucun de leurs arguments ne mérite même d’être écouté. En qualifiant leurs inquiétudes de «puériles et individualistes». Belle façon de les rallier à la cause et de leur prouver que leurs préjugés sont infondés.

Si on continue d’investir autant d’énergie à s’entredéchirer et à tenter à tout prix d’évangéliser les «verts» – qui ne sont pas légion, il faut l’avouer – on va finir par s’essouffler, au grand plaisir des rigolos qui gèrent notre État.

PS: En grève ou pas, si vous êtes contre la hausse des frais de scolarité, allez signer cette pétition sur le site de l’Assemblée nationale.

Émilie Clavel

Rédactrice en chef

redacteur.campus@uqam.ca

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