Jeux de langue

Le 26 novembre dernier s’amorçait la douzième édition du Festival XYZ au Havre, en France. Expression même du néologisme à l’état pur, ce festival français vise à intégrer de nouveaux mots et expressions au langage courant de la Francophonie. Le concept est simple, les francophiles sont invités à soumettre leur coup de cœur linguistique à un jury hautement qualifié. Sa lourde tâche revient à trier et compiler les nouvelles unités lexicales. Les expressions récurrentes sont ensuite présentées comme grandes gagnantes de ce concours de popularité.

Ainsi, dans les dernières années, notre dictionnaire populaire a été revu et corrigé, pas nécessairement pour le mieux. L’ordinateur désuet est intégré à la famille des dinosaures en devenant un «ordinosore», l’insupportable voisin de table qui n’en peut plus de s’égosiller sur son téléphone portable est un «phonard», et, enfin, on ne peut se passer de l’«attachiant», même s’il nous tape royalement sur le système. Bref, vieux, fatigant et conjoint sont, si l’on en croit le petit guide du festival, des mots à proscrire de notre vocabulaire. Et par la même occasion, au diable les phrases! Après tout, les conjonctions proposées par les linguistes amateurs sont plus appropriées et plus précises, surtout.

Créé en 2002 par Éric Donfu, un sociologue spécialiste des transformations dans la société contemporaine, ce festival tend à rendre la langue de Molière active et en perpétuelle transformation. Même si pour y arriver il faut parfois forcer les choses et pousser notre langage jusqu’aux limites du ridicule. Victor Hugo avait beau dire qu’une langue meurt si elle n’invente pas de nouveaux mots, il y en a qui ne devraient peut-être tout simplement pas voir le jour. Surtout lorsqu’on sait le nombre de mots que contient notre dictionnaire. J’ai beaucoup de difficulté à croire que parmi cette liste plus qu’exhaustive, on n’arrive pas à trouver les mots justes. Quitte à en utiliser plusieurs!

Certains diront peut-être que ces ajouts simplifieront notre langue. Mais voilà, pour moi, toute sa beauté réside justement dans sa complexité et dans ses exceptions. Dans le fait qu’en essayant de mettre le bon mot sur la bonne chose, on se trompe souvent.

Victor Hugo disait qu’une langue survit à travers ses transformations. Je suis d’accord, mais peut-être pas à n’importe quel prix.

Florence Sara G. Ferraris
Chef de section Culture
culture.campus@uqam.ca

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *