Un zoo à l’UQAM

Les animaleries du pavillon des Sciences biologiques

Dans les profondeurs de l’Université du peuple, des rats se battent pour un morceau de fromage. Preuve de l’insalubrité de l’UQAM? Pas du tout. Ces rats partagent plutôt les locaux des animaleries de l’UQAM avec des chercheurs en biochimie, au grand dam des groupes de protection des animaux.

Photo:Dominique Morin

Le sous-sol du pavillon des Sciences biologiques de l’UQAM ressemble à la célèbre zone 51. Au bout d’un couloir blanc immaculé, quatre portes sans indication laissent croire à une impasse. Pourtant, derrière ces cloisons se cachent d’étranges locaux à la pression atmosphérique et à l’humidité contrôlée. Sous une lumière artificielle et une température réglée au degré près, lapins, rats, pinsons et truites séjournent sous nos pieds.

Afin de ne pas soulever l’ire des groupes luttant pour la protection des animaux, les animaleries de l’UQAM préfèrent rester incognito. Tant sur le Web que sur le campus, les traces de ces installations sont minimes dans un pavillon dont la façade de verre exploite le thème de la transparence.

«C’est un couteau à double tranchant, explique la directrice des animaleries de l’UQAM, Manon St-Germain. L’intention n’est pas de se cacher, mais il est préférable que la présence des animaleries à l’UQAM ne soit pas connue du public.» La forte population d’activistes dans certains pavillons de l’Université pousse la direction à adopter un profil bas, tout comme la présence ponctuelle au centre-ville de groupes pour la protection des animaux. La pression sociale alimentée par des «publicités choc et sensationnalistes» incite les employés et chercheurs à demeurer sur leurs gardes. Pour Patricia Tulasne, porte-parole de la Société québécoise pour le droit des animaux (SQDA) (et actrice dans le film J’ai tué ma mère), les activités du centre de recherche sont suspicieuses. «Si ces gens n’ont rien à cacher, que les animaux y sont si bien traités, alors pourquoi n’avons-nous pas le droit d’y entrer?» se questionne-t-elle. L’accès restreint aux laboratoires de recherche permet de respecter les normes sanitaires des locaux, argue la direction. Toutefois, Montréal Campus a eu droit à une des rares autorisations pour visiter l’animalerie, en sarrau, muni  de recouvre-chaussettes, d’un bonnet et d’un masque.

Des normes restrictives

La maltraitance des animaux dans les locaux de l’Université: mythe ou réalité? «Les chercheurs ne suivent pas de protocoles invasifs qui pourraient créer de la douleur chez l’animal», soutient Manon St-Germain. De plus, le stress ou la douleur des cobayes sont autant de variables à éviter pour préserver la qualité des résultats de recherches.

Les normes en matière d’expérimentation sur les animaux dans le pays ont haussé leurs exigences au cours des trente dernières années. Depuis 1982, c’est le Conseil canadien de protection des animaux (CCPA) qui est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre des normes relatives au soin et à l’utilisation des animaux en sciences. Les animaleries de l’UQAM relèvent de cet organisme par le biais du Comité institutionnel de protection des animaux de l’UQAM (CIPA). «Les installations de l’Université sont soumises à un protocole précis de validation où tout est examiné et réévalué», explique le président de la CIPA, Jean-François Giroux.

Le 1er mars prochain, les installations et les recherches des professeurs seront toutes examinées par l’organisme national. «Si les animaleries ne sont pas conformes aux exigences du CCPA, nous pourrions subir des coupures de subventions», ajoute Manon St-Germain. En 2009, 685 000 $ du budget de l’UQAM étaient alloués à l’établissement. Le reste du financement provient majoritairement du CCPA.

Les humains en première ligne?

Pour répondre aux exigences éthiques, les animaleries doivent respecter le concept des 3R – remplacement, réduction, raffi nement. «Nous sommes loin des singes avec des électrodes sur les tempes», s’exclame Jean-François Giroux. Le remplacement de la manipulation animale par des simulations informatiques ou par la culture cellulaire serait une exemple de méthode alternative efficace. «Grâce à la méthode des 3R, le réflexe d’utiliser directement les animaux s’est modifié, souligne Philippe Ducharme, étudiant au doctorat en biochimie et chercheur aux animaleries. Nous pouvons maintenant utiliser des lignées cellulaires que nous cultivons in vitro et qui se régénèrent d’elles-mêmes. Mais, à un moment donné, il faut passer aux tests sur cobayes.»

Or, pour Patricia Tulasne, le concept des 3R demeure insuffi sant, voire insignifiant. «Un animal ne devrait en aucun cas être au service de l’être humain, s’indigne-t-elle. On ne peut disposer d’un être vivant et sensible comme bon nous semble au nom de la science.» Les tests sur les animaux devraient être abolis, selon la SQDA. Place nette devrait être faite pour les méthodes alternatives et pour la prévention. Et, «même s’il le faut, aux tests directs sur les humains». Une idée que déplore le jeune chercheur Philippe Ducharme. «Ce serait un manque d’éthique que de placer les êtres humains en première ligne», estime-t-il.

Si la SQDA est catégorique quant à l’archaïsme des expérimentations sur les animaux, les chercheurs de l’UQAM tiennent à rappeler les succès de ces méthodes. Elles ont déjà fait leurs preuves, notamment en ce qui concerne les anovulants pour la femme ou les recherches sur le cancer du sein. «Pensons seulement à Richard Béliveau, chercheur à l’UQAM et auteur d’un best-seller sur les aliments contre le cancer, note Manon St-Germain. C’est à l’aide d’observations sur les souris qu’il a basé ses recherches. Vous savez, nous aussi nous sommes contre la maltraitance des animaux. La recherche ne se fait pas à n’importe quel prix.»

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