À la recherche du livre perdu

La bibliothèque de l’UQAM aveugle

Le nombre de livres volés à l’UQAM? La bibliothèque n’en a aucune idée. En raison de l’implantation du nouveau système informatique et des lacunes des services de sécurité, les employés de la bibliothèque ne peuvent que constater les problèmes.

Emporté par le tourbillon de la mi-session, un étudiant fonce à la bibliothèque, notice bibliographique à la main. Pressé, il parcourt les rayons en quête du livre tant convoité. Mais l’objet de ses désirs, pourtant disponible dans le moteur de recherche Ex-Libris, brille par son absence. Est-ce la faute d’un étudiant étourdi ou d’un larcin? Impossible de le savoir. Le nouveau système informatique de la bibliothèque de l’UQAM ne comptabilise pas les pertes. Alors que les mesures de sécurité sont critiquées par les employés de la bibliothèque, la direction de l’établissement soutient que la question des vols de livres reste mineure.

Diane Trudel, technicienne en documentation, juge pourtant que le problème des vols de livres est de taille. «Il y a un problème réel, mais il est impossible de le quantifier», explique-t-elle. Pour la direction de la bibliothèque, impossible de faire la distinction entre les documents perdus, volés ou cachés. «Il n’y a même plus de comptabilisation des pertes depuis l’implantation du nouveau système informatique», souligne Christine Médaille, bibliothécaire pour le département d’économie. Le logiciel Ex-Libris est venu remplacer le logiciel Manitou. Il a coûté 1,8 million au moment de son implantation, à l’été 2009, en plus de frais d’entretien annuel de 380 000 $ (mise à jour des serveurs, mise à niveau de l’ensemble des composantes informatiques, etc.).

Le prédécesseur d’Ex-Libris avait coûté des millions de dollars pour sa conception. L’Université prévoyait le rentabiliser en le vendant à d’autres établissements, mais elle l’a déclaré vétuste avant que cela ne puisse se faire. Le système actuel est toutefois encore dépourvu de bases statistiques, cette partie du logiciel étant encore en construction. Cela implique, entre autres, que la bibliothèque de l’UQAM n’a présentement aucun moyen de déterminer le nombre d’emprunts depuis un an et demi. «C’est un processus très long, précise la directrice générale des bibliothèques de l’UQAM, Lynda Gadoury. Chaque banque de statistiques doit être montée en en entier par le seul programmeur des emprunts de livres au budget de la bibliothèque.» La direction ne peut pas encore établir quand le système sera entièrement prêt. Les pertes, bien qu’étant «une statistique qui mérite sa place», selon le directeur de la bibliothèque centrale, Stephen Park, sont loin d’être une priorité. «Les vols ne sont pas un problème majeur, le nombre d’inconnus étant, pour l’instant, trop important.»

Le vol n’est pas l’unique moyen qu’ont les étudiants pour s’assurer l’exclusivité d’un ouvrage. Dans les faits, un usager n’a qu’à déplacer un livre pour rendre caduque les données du logiciel. Étant donné l’absence d’inventaire, le document caché est ainsi perdu dans les abîmes de la bibliothèque.

En attendant, les bibliothécaires se basent sur la demande des usagers pour faire de nouvelles acquisitions. Avant l’implantation du nouveau programme, les notices d’ouvrages disparus étaient remises au bibliothécaire du département concerné. Ce dernier déterminait ensuite la pertinence de l’ouvrage en question. Achat ou rachat, encore une fois, la distinction est aujourd’hui impossible à établir. Pourtant, chaque année, ce n’est pas moins de quatre millions de dollars qui servent à monter de nouvelles collections. Avec son budget, la bibliothèque de l’UQAM est tout de même loin derrière les autres bibliothèques uni- versitaires à Montréal. Selon son rapport annuel, l’Université de Montréal a investi plus de onze millions pour acquérir de nouveaux documents au cours de l’année scolaire 2008-2009.

La sécurité en chute libre

Alors que la sécurité a longtemps joué un rôle de dissuasion pour les voleurs entre les murs de la bibliothèque, les employés de l’établissement jugent que les mesures de sécurité se sont relâchées depuis quelques années. «Il n’y a plus de gardien de sécurité attitré à la bibliothèque, déplore Diane Trudel. Et lorsqu’il passe, c’est à des heures fixes et toujours dans les mêmes secteurs.» Et même si le Service de la prévention et de la sécurité a été mis au courant des doléances des employés, les choses ne changeront pas. «Nous avons mentionné les manquements, confie Diane Trudel. Mais nous avons reçu une réponse formelle comme quoi il n’y aurait pas de changements. Nous avons donc cessé d’en demander.»

Vols intentionnés ou oublis momentanés, les employés de l’établissement ne peuvent déterminer les causes de la disparition de livres. La directrice générale de la bibliothèque fait cependant valoir que «personne n’est à l’abri d’une étourderie et que la sécurité n’est pas avertie chaque fois que le système d’alarme sonne». Ce que confirment les chiffres du Service de la prévention et de la sécurité. Depuis 2005, la sécurité del’Université n’a rempli que cinq rapports de vols pour la bibliothèque centrale et dix pour la bibliothèque des sciences. Au niveau métro, les choses ne semblent guère différentes. «Si un livre est vandalisé ou qu’une personne ne possède pas de carte étudiante, on appelle la sécurité, expose Diane Trudel. Dans les faits, la sécurité est donc rarement avisée.»

Pour Diane Trudel, les modestes ressources fi nancières de l’établissement, combinées aux autres problèmes auxquels est confrontée l’Université, expliquent peut-être en partie le problème de vols à la bibliothèque. «Certains étudiants savent dès le début de la session qu’ils auront besoin de tel document à un moment précis, explique-t-elle. Ils peuvent le voler par peur de ne pas y avoir accès par la suite.»

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