Les profs mis en échec

Taux de réussite très faible au TECFÉE

Stages remis, étudiants expulsés, stress intense: le Test de certification en français écrit est un chemin de croix pour les étudiants en enseignement de l’UQAM. Des mesures d’aide tardent à arriver et pourtant, ce test jugé trop difficile pourrait repousser l’entrée de centaines d’étudiants sur le marché du travail.

Dominique Lemaire, étudiant au baccalauréat en adaptation scolaire, ignore s’il pourra faire son dernier stage d’enseignement l’année prochaine. Comme tous les étudiants du département des sciences de l’éducation, il doit se soumettre au Test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE). S’il n’obtient pas la note de passage à sa quatrième tentative, il risque l’expulsion du programme. «Le stress est extrême, raconte le jeune homme. Après une des reprises, j’étais tellement anxieux que j’ai eu une extinction de voix. Mon médecin m’a dit que mes cordes vocales étaient trop tendues.»

Le TECFÉE a été introduit en 2008 par le ministère de l’Éducation afin de relever la qualité du français des futurs enseignants. Le test est obligatoire pour tous les étudiants au baccalauréat en éducation. La réussite des deux parties, choix de réponse et rédaction, est requise pour réussir le test. La note de passage est de 70% (55% pour les professeurs d’anglais et d’enseignement professionnel) et l’étudiant doit reprendre seulement la partie échouée.

Après deux ans, les taux de réussite tardent à s’améliorer. À moins de compléter le TECFÉE avec succès cet automne, plus de 300 étudiants devront retarder leur troisième stage d’un an. Ce délai dans leur parcours scolaire repousserait d’aussi longtemps leur entrée dans les salles de classe.

Le retard des étudiants aura une autre conséquence. «Il risque d’y avoir une saturation au niveau des stages si la moitié des étudiants échoue cette année et que toute la cohorte 2009 réussit le TECFÉE l’année prochaine», indique la directrice du Bureau de la formation pratique, Louise Camaraire. La situation est différente selon les programmes, précise-t-elle. Un futur enseignant au primaire se trouvera un stage plus facilement qu’un professeur de science et technologie.

La directrice du Bureau de la formation pratique refuse toutefois de céder à la panique. «Au début de cette année, le nombre de stagiaires semblait astronomique, souligne Louise Camaraire. Finalement, nous avons réussi à placer tout le monde. Nous aurions même pu placer ceux qui ont échoué le TECFÉE. Nous suivons la situation, mais nous ne sommes pas inquiets.»

Un test top secret

Malgré les nombreux échecs, l’UQAM tarde à mettre sur pied des mesures d’aide aux étudiants, considère l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation (ADEESE). «Nous sommes inquiets parce que les ressources ne sont vraiment pas là pour ceux qui veulent réussir le test, estime une membre de l’association qui préfère garder l’anonymat. Par exemple, le cours Le soutien en français écrit dans l’enseignement, était offert à la session d’été pour aider les étudiants à passer le test. Il ne sera plus disponible à l’automne.» 

Marie Nadeau, professeure de didactique des langues, est chargée de mettre sur pied des mesures d’aide pour le TECFÉE. Elle soutient que les étudiants doivent aussi y mettre l’effort. «Nous avions ouvert quatre groupes pour le cours de soutien en français et nous avons eu seulement onze inscrits. On a dû laisser tomber. Au besoin, nous pourrons le rouvrir en novembre et en décembre.» D’ici là, de nouvelles sommes injectées par l’UQAM dans le Centre d’aide à la réussite «permettront d’offrir un encadrement plus serré aux étudiants», se réjouit la professeure.

La nature secrète du test pose un défi de taille aux intervenants qui mettent sur pied des mesures d’aide. «Seuls les étudiants qui y sont soumis voient le test. Personne d’autre n’est autorisé à le consulter, ce qui rend difficile la mise sur pieds d’exercices préparatoires cohérents», explique Marie Nadeau. Pour ceux qui veulent consulter leur copie corrigée pour évaluer leurs erreurs, c’est perdu d’avance. Dominique Lemaire a appris pourquoi, à son grand étonnement.  «Les responsables du Centre d’évaluation du rendement en français, qui corrigent le TECFÉE, m’ont expliqué que les raisons étaient purement logistiques. Un étudiant de Rimouski aurait dû se déplacer à Montréal pour consulter sa copie. C’est donc interdit pour tous.» 

Un test trop difficile?

Le test qui précédait le TECFÉE, le test SEL de certification en français écrit, était plus simple selon l’association étudiante. «Les taux de réussite étaient meilleurs et l’aide préparatoire aussi», rappelle la membre de l’association. Les étudiants étaient également autorisés à voir leur copie d’examen corrigée, après un processus complexe.

Selon l’ADEESE, certaines parties du test ne sont pas pertinentes pour évaluer les compétences d’un bon professeur. «Il est très difficile de se préparer pour les parties «vocabulaire» et «expressions de la langue française», indique la jeune femme. Ce sont aussi des points qui sont plus ou moins nécessaires pour être un bon professeur. Faudrait-il apprendre toutes les expressions françaises par cœur, tous les suffixes et tous les préfixes?»

Dominique Lemaire se questionne aussi sur la pertinence du test. «Je ne crois pas que le TECFÉE soit trop difficile, juge-t-il. Mais je ne suis pas certain non plus que toutes les parties du test soient utiles pour des profs en adaptation scolaire comme moi. Ce n’est pas demain la veille que je vais utiliser les mots «acabit» ou «idiome» devant les tout-petits, ni l’expression «avoir la foi du charbonnier».

 

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