Le grand homme du petit écran

Rencontre avec Bernard Derome

Pendant 33 ans, à 22h tapantes, Bernard Derome a donné rendez-vous à des milliers de Canadiens. Même s’il n’est plus chef d’antenne, le journaliste est loin de tirer sa révérence pour de bon. Montréal Campus s’est entretenu avec ce pilier de l’information au pays.

Photo: Frédérique Ménard-Aubin

L’ancien chef d’antenne a beau être petit et parler d’une voix douce, sa présence impose le respect. Lorsqu’il parle, ses yeux bleus vous fixent avec cette intensité si familière aux fidèles du Téléjournal, et vous ne pouvez qu’admirer son éloquence. Pourtant, Bernard Derome est un homme modeste, presque timide, qui se considère privilégié d’avoir été accueilli dans les foyers canadiens pendant si longtemps. «J’ai été chanceux de durer. Il faut dire que j’ai eu un public tolérant, les gens m’ont enduré», dit-il avec aplomb. 

Bernard Derome était enfant lorsque la télévision a fait son apparition dans les salonsdu pays. «Au début, on n’avait pas le droit d’avoir la télévision chez moi. C’était mauvais pour les études», se remémore-t-il. Le journaliste garde d’ailleurs un fort souvenir de son premier contact avec la boîte à images. «On était allé regarder la visite de la reine Élizabeth chez ma tante, qui avait la télévision. Ça m’avait marqué.» Fasciné par le monde des communications, le jeune Bernard Derome ne se destinait pas nécessairement à un avenir dans le milieu journalistique. «Tu sais que je suis un drop-out?» lance-t-il. 

Inscrit au cours classique, il a abandonné ses études sur un coup de tête. «Je le regrette, mais j’ai été chanceux de pouvoir me rattraper». Avec une pointe d’amertume, le journaliste avoue cependant être déçu de ne pas avoir poursuivi des études en droit. «Il était trop tard pour me lancer là-dedans. C’est dommage, parce que j’aurais beaucoup aimé le faire».

Si la tendance se maintient

Depuis ses débuts comme chef d’antenne à Radio-Canada durant la crise d’octobre 1970, le journaliste a transformé la façon de faire du diffuseur public. «En tant que chef d’antenne, on a un rôle de leadership. Il faut donner une certaine direction au navire», explique-t-il. Sur ce point, Bernard Derome dit vouer une grande admiration au chef d’antenne Walter Cronkite, son contemporain de la station américaine CBS. «C’est un homme qui savait ce qu’il faisait, fait-il valoir. Tu ne dois pas donner de l’importance à ce qui n’en a pas, ou dédramatiser quelque chose de dramatique. Et ça, il le savait.»

S’il est avare de détails sur les moments-clés de sa carrière, c’est parce qu’il considère qu’elle est loin d’être terminée. Bernard Derome est prêt à tout pour ne pas devenir un «dinosaure» de l’information, comme il le dit si bien. Le journaliste travaille présentement à plusieurs projets, mais demeure disdcret sur ses prochaines apparitions publiques.

Ceux qui espèrent voir le visage de l’homme qui a couvert tant de soirées d’élections sur une pancarte électorale seront décus. «J’ai été beaucoup plus utile comme journaliste.» Par ailleurs, même s’il admet que les résultats de certaines élections l’ont réjoui plus que d’autres, il a toujours refusé fermement de révéler son allégeance politique. «Publiquement, je ne le dirai jamais. Bernard Derome, le citoyen, c’est une chose. Le journaliste, s’en est une autre», insiste-t-il.

Il admet cependant que l’objectivité pure n’existe pas. «J’aime mieux dire que j’ai été honnête dans ma couverture des événements», nuance-t-il. Cependant, il est arrivé au journaliste de s’emporter en direct à quelques reprises, notamment lors d’une entrevue mémorable avec le syndicaliste Michel Chartrand, lors des élections provinciales de 1998. À l’évocation de cette anecdote, Bernard Derome sourit. «J’ai une admiration folle pour Chartrand. C’était de bonne guerre. Il n’était pas méchant pour deux sous», assure-t-il.

Le journaliste se rappelle aussi avec un petit rire son escarmouche avec Justin Trudeau, qu’il avait rabroué plutôt sévèrement lors des dernières élections fédérales. «C’était pas une question de lui faire la leçon, mais il retournait toutes les questions. Son père était pareil», fait-il remarquer.

Une nouvelle vie

Depuis qu’il ne fait plus de la télévision de façon quotidienne, Bernard Derome se surprend à avoir plus de temps pour lui et ses enfants. Grand-père depuis peu, il s’émeut en parlant de sa famille. Il se rappelle l’inquiétude de ses enfants, lors de son départ pour l’Afghanistan, en 2007. «Mes filles avaient peur. Moi, je sentais qu’il fallait y aller. Ça m’a permis de voir sur place ce que c’était et d’en parler en connaissance de cause», juge le journaliste.

Il souhaite maintenant profiter de ses temps libres pour continuer de rendre heureux les gens qu’il aime. Ce qui ne veut pas dire pour autant que sa carrière journalistique est terminée. L’homme continue de s’animer en parlant de démocratie, de politique et de télévision publique. «Ça brasse présentement au Québec. Il y a des dangers de dérapage dans les médias. Avec l’information instantanée, c’est vite fait de porter des accusations», avertit-il. Bernard Derome compte aussi continuer de promouvoir l’importance de Radio-Canada. «Je suis un grand défenseur de la télévision publique. C’est un moteur de la démocratie qui ne doit jamais disparaître».

 

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *