Chronique d’un divorce annoncé

Fin de l’union TÉLUQ-UQAM

Malgré des mois de thérapie de couple, la séparation entre la Télé-université et l’UQAM semble inévitable. Les étudiants de la TÉLUQ espèrent toutefois qu’ils ne feront pas les frais du divorce imminent des deux établissements.

Photo: Jean-François Hamelin

Le rêve de la plus grande université «bimodale» de la francophonie n’a jamais tenu ses promesses, cinq ans après que l’UQAM et la Télé-université aient convolé en justes noces. La direction de la TÉLUQ a décidé le 30 mars dernier de retrouver son autonomie, furieuse que son ancienne flamme émette des réserves sur certains points du rapport Gervais, qui suggérait des pistes de solution pour sauver le mariage entre les deux universités.

Même si la séparation n’a toujours pas été confirmée par le ministère de l’Éducation, les étudiants semblent s’y être résignés. Pour la présidente de l’Association étudiante de la Télé-université (AÉTÉLUQ), Geneviève Breault, l’échec de la fusion est une déception, mais les institutions doivent maintenant trouver un moyen de se séparer sans pénaliser les étudiants. «S’il faut se résigner, on va au moins tenter de sauver les meubles, assure la jeune femme. Tout d’abord, on veut une garantie que les diplômes émis auront la mention «UQAM» pour les étudiants qui se sont inscrits à l’institution bimodale». La présidente de l’AÉTÉLUQ soutient aussi que les établissements auraient avantage à régler rapidement leur litige. «La TÉLUQ consacre beaucoup d’énergie au projet de défusion et, pendant ce temps, ne consacre pas assez d’énergie à développer les nouveaux cours ou à améliorer les services aux étudiants», déplore-t-elle.

Bien qu’il soit officiel depuis 2005, le mariage entre la Télé-université et l’UQAM n’a jamais véritablement été consommé. Les étudiants de l’Université du peuple qui désirent suivre un cours à la Télé-université doivent encore demander la permission officielle à la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Par ailleurs, les étudiants de la TÉLUQ n’ont jamais eu accès aux services à la vie étudiante offerts par l’UQAM. En 2008, le rapport Brossard, qui suggérait l’intégration complète de l’Université à distance au sein de l’UQAM, n’avait pas réussi à remettre le mariage sur les rails. Quant au rapport Gervais, publié au début de 2010, il avait été bien accueilli par les deux institutions, jusqu’à ce que la direction de l’UQAM rejette certaines de ses recommandations.

Manque de consultation

Selon la présidente du syndicat des tuteurs et tutrices de la TÉLUQ, Sylvie Pelletier, il ne fait aucun doute que les étudiants sont les grands perdants dans toute cette saga. «Ils ont été complètement ignorés, autant du côté de la Télé-université que de celui de l’UQAM, déplore-t-elle. Les directions des deux établissements répètent sans cesse qu’ils ont à cœur le bien des étudiants, mais dans ce divorce-là, on n’est pas à leur service». La présidente du syndicat soutient que la population uqamienne n’a reçu que très peu d’information sur les avantages que leur offrait la fusion. «Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la gale. C’est ce qu’a fait la direction de l’UQAM, compare-t-elle. Chaque fois qu’on parlait de formation à distance, on citait en exemple les cours qui se prêtent le moins bien à ce genre de formation. Les étudiants de l’UQAM ne savent donc pas ce qu’est véritablement la formation à distance».

Même son de cloche du côté de l’AÉTÉLUQ, où Geneviève Breault regrette que les étudiants de la Télé-université ne soient pas consultés sur la façon de procéder à la défusion. «Ce qu’on ressent, c’est du mépris par rapport à l’AÉTÉLUQ de la part de la direction, constate-t-elle. Le fait de dialoguer avec nous n’est pas vu comme quelque chose de constructif à la TÉLUQ».

Mauvaise foi

La TÉLUQ et l’UQAM sont autant à blâmer l’une que l’autre dans la débâcle de la fusion, estime la présidente du syndicat des tuteurs et tutrices de la Télé-université, Sylvie Pelletier. «Ce conflit-là met en cause deux belligérants qui n’ont fait, de part et d’autre, aucun effort pour rapprocher les parties.» Elle doute d’ailleurs qu’une décision du gouvernement vienne empêcher la défusion. «Je ne pense pas que le ministère de l’Éducation puisse forcer ces deux parties résolues à divorcer à se réconcilier», ajoute-t-elle. Pourtant, la présidente du syndicat demeure persuadée que les deux établissements auraient eu beaucoup à gagner si leur mariage avait réussi. Selon elle, l’Université du peuple a manqué une belle occasion de se démarquer de ses concurrents. «La formation à distance, c’est intéressant, juge Sylvie Pelletier. Si ce n’est pas l’UQAM qui l’offre, ça va se faire ailleurs». Quant à Geneviève Breault, elle se désole aussi pour sa propre institution, qui aurait pu profiter de la réputation de l’UQAM pour attirer une nouvelle clientèle. «C’est une question de perception et de reconnaissance. C’est évident que pour les étudiants, c’est un plus que le nom UQAM apparaisse sur leur diplôme».

En ce moment, la TÉLUQ travaille sur un plan de restructuration, attendu pour l’automne, pour planifier son retour à l’autonomie après ce mariage bâclé. Les deux instances attendent aussi une décision de la nouvelle ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, qui n’a «toujours pas eu l’occasion d’être saisie de ce dossier», selon sa responsable des communications. Au bureau du recteur de l’UQAM, on ne souhaite pas non plus commenter l’affaire avant que Claude Corbo n’ait eu l’occasion de s’entretenir avec la nouvelle ministre. 

Reste-t-il une mince chance de raviver la flamme entre les deux universités? «On n’y croit plus, soupire Geneviève Breault. Les deux administrations ont démontré à maintes reprises leur manque de volonté et de bonne foi pour faire fonctionner le projet».

 

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