Les films comme Animal House et Old School n’ont pas aidé les fraternités à se départir d’une image sectaire ou dépravée. Le président de Segma Thêta Pi, Julien Caudroit Van Cauwenberghe, déplore les stéréotypes que véhicule ce genre de films hollywoodiens. «Les gens qui écoutent ces films ignorent qu’il existe des nuances. Ils associent “fraternité” à des gens manipulateurs, des beuveries, voire la théorie du complot.» Pour mieux contrer ces préjugés, la plupart des sites Internet de fraternités et de sororités comportent une section d’information destinée aux parents des étudiants qui joignent ces groupes. Or, même si la «Greek Community» possède réellement un aspect plus secret, elle sait s’impliquer dans la communauté. Les groupes «grecs» organisent chaque session des événements qui visent à ramasser des fonds pour une cause. Le président de Sigma Thêta Pi, Julien Caudroit Van Cauwenberghe, souligne que chaque groupe s’associe à celle à laquelle ils sont les plus sensibles. Dans son cas, les maladies infantiles. S’ils tentent d’organiser environ deux événements par session, ce n’est pas toujours évident, précise Omid Malek, de Tau Kappa Epsilon. «Si nous avions plus de membres, ce serait facile de faire plus d’activités caritatives. Ça demande beaucoup de temps et nous sommes étudiants.»
Go Greek
Les fraternités et les sororités
Si elles sont des dizaines de milliers aux États-Unis, les fraternités et les sororités sont loin d’être aussi populaires chez les francophones. À des lieux du Clan des Skulls, ces groupes étudiants sont de plus en plus actifs sur les campus montréalais.
L’appartement fait face à l’Université de Montréal, à côté du métro. Dans le salon, des gars jouent au hockey sur un vieux Nintendo. Tous portent un chandail noir sur lequel est écrit en alphabet grec: «Sigma Thêta Pi». Ce ne sont ni des élèves en Études classiques ni des Grecs venus le temps d’une session. Ils font partie de la même fraternité.
L’Université de Montréal abrite le quartier général de Sigma Thêta Pi depuis deux ans. Le «chapter Bêta Hochelaga», comme le nomme Julien Caudroit Van Cauwenberghe, est une des premières fraternités francophones, franco-québécoise qui plus est. Le président «international» de la fraternité expose d’emblée, avec une voix modulée par un accent du Vieux Continent, que les fraternités traînent souvent une mauvaise réputation. «Quelques fraternités nuisent à l’image de celles qui respectent leurs members et les règles.»
Alpha, bêta, gamma, kappa, phi, omicron, zion… Les lettres de l’alphabet grec désignent la fraternité ou la sororité, même si leur signification reste secrète aux «non-membres». Le président du chapitre de Concordia de Tau Kappa Epsilon, Omid Malek, explique qu’un lien fort existe entre la Grèce antique et les fraternités. «Chaque lettre est reliée à la mythologie grecque. C’est comme un code qui représente la fraternité elle-même. Je ne peux pas te dire à quel mythe ou à quelle divinité elles réfèrent.» L’ensemble des groupes du genre se désignent eux-mêmes sous le nom de «Grecs», même s’ils sont loin d’être des descendants d’Achille.
Les fraternités et les sororités possèdent une large part de mystère, qui n’est mise en lumière que lorsque les «membres» sont initiés. Des secrets tels que la signification des lettres grecques, de «l’animal» qui représente la fraternité ainsi que les traditions et les rituels ne sont révélés qu’aux membres. Mais sont-ils des groupes «secrets» ? Non, répond Julien Caudroit Van Cauwenberghe, de Sigma Thêta Pi. « On ne se cache pas, mais faire partie d’une fraternité, ça donne des avantages, surtout en ce qui concerne les réseaux socioprofessionels. On doit les protéger. Ça peut paraître méchant, mais ils vont disparaître sinon.» Le «chapitre» de Sigma Thêta Pi Montréal, considéré légalement comme un organisme à but non lucratif, compte près de 25 membres. Au total, il estime qu’il existe près de 400 «Grecs» à Montréal, majoritairement aux universités McGill et Concordia.
Vous avez dit «initiations»?
Les étudiants qui veulent intégrer le groupe doivent passer au préalable par un «pledging», une période d’essai variable dans le jargon des «frats». Dans plusieurs cas, seuls les étudiants au premier cycle y ont accès. L’étudiant n’est alors pas considéré comme un membre, mais a tout de même accès à certaines connaissances exclusives. Le président de Tau Kappa Epsilon dit recevoir environ cinq ou six demandes de candidatures par trimestre. Si la nature des activités auxquelles sont soumis les candidats demeure secrète, Omid Malek assure que son groupe s’est officiellement opposé au bizutage, des activités d’intégration dégradantes ou humiliantes. «Ce ne sont pas des épreuves physiques. Ce sont des tests de motivation, des activités d’équipes. Pendant les périodes de recrutement, il y en a plusieurs chaque semaine auxquelles ils doivent assister.»
Omid Malek, de Tau Kappa Epsilon, précise que toutes les activités de «pledging» sont tenues secrètes, même entre fraternités. «Nous ne leur demandons pas ce qu’ils font, et ils ne nous demandent pas ce que nous faisons. Nous ne connaissons par leurs activités de «pledging», mais nous savons à peu près comment ils procèdent.»
Le seul moyen d’accéder directement à la connaissance du noyau symbolique des fraternités, c’est de fonder un «chapitre», comme les filles de Zeta Lambda Zeta. Inspirées par des membres de Sigma Thêta Pi, elles sont sur le point de fonder la première sororité francophone au Québec sur le campus de l’UdeM. «Nous avons été initiées tout de suite puisque nous sommes les «sœurs fondatrices», précise Claudia Vergnolle, la coprésidente. L’étudiante en sciences politiques fête la première étape franchie, soit le choix du nom et du blason. La deuxième étape consiste à mettre en place la charte et à choisir les rituels et les traditions. Elle espère que la sororité sera mise sur pied dès cet automne.
Une histoire d’anneau
Les ingénieurs du Canada ont aussi leur «fraternité». Fondée en 1922, la Société des Sept Gardiens organise deux fois par année le «Rite de l’Engagement de l’ingénieur». Les finissants de tous les programmes en ingénierie peuvent choisir librement d’y assister ou non. Si cette cérémonie était autrefois secrète, il est maintenant permis d’y amener parents et amis. L’an passé, Thierry Kittel-Ouimet y a assisté à la Place des Arts. «Aux pieds de tous les ingénieurs qui font leur “engagement”, il y a une chaîne qu’on touche en disant le serment. Ça fait mystique, mais ce n’est pas caché comme les francs-maçons.» Les finissants qui y assistent obtiennent un jonc de fer martelé, qu’ils doivent porter au petit doigt de la main dominante. Elle permet aux ingénieurs de se reconnaître partout, du bar au métro.
Des fraternités impliquées dans la communauté
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