Dernier départ pour nulle part

Le Cabaret de la dernière chance

Le Cabaret de la dernière chance est une de ces salles mythiques qui marquent tous les artistes qui y passent. Et qui reviennent, même s’ils doivent parcourir les  quelque 600 kilomètres de bitume qui séparent Montréal de Rouyn-Noranda.

Courtoisie Photo Cyclopes

Six mois. C’est le temps pris par les fondateurs pour trouver un nom à leur petite salle de 125 places. L’inspiration est venue d’un livre de Jack London, intitulé First and Last Chance Saloon. «C’était la dernière place où tu pouvais aller avant d’entrer dans le désert. Et c’était la première place où tu pouvais aller quand tu en sortais», raconte le propriétaire, Marcel-Yves Bégin. Aujourd’hui bien baptisé, le Cabaret de la dernière chance est devenu l’oasis des artistes émergents du Québec.

Comment est-ce possible? En 1982, sept femmes et trois de leurs copains recherchent un endroit pour produire leurs idées théâtrales. Dernier arrêt: la 8e rue, à Rouyn-Noranda. La troupe a commencé par produire ses propres spectacles, puis a accueilli des artistes de l’extérieur, des auditions Juste pour rire, des expositions… «Ça a été très actif», se rappelle Marcel-Yves, dernier héritier de l’aventure. De fil en aiguille, le Cabaret de la dernière chance, Cab’ de son surnom, a su trouver sa voie. «On a des liens naturels avec la musique de la relève et on favorise la chanson francophone», précise le propriétaire de la salle.

C’est aussi l’avis du président et directeur général du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FME), Sandy Boutin. Entre deux appels téléphoniques sur la terrasse du bar, il témoigne de sa reconnaissance pour l’équipe. «C’est devenu l’outil pour faciliter le développement d’artistes qui avaient des projets en tête, qui voulaient faire vivre des choses à Rouyn-Noranda. La première année du FME, l’équipe du Cab’ n’a pas eu peur de nous sacrifier ses meilleures journées, de nous laisser carte blanche pour nous installer. On y a présenté la soirée d’ouverture. On a même implanté la radio du Festival dans l’entrepôt et la salle de presse dans le sous-sol!»

Aux petits oignons

Passionné, le propriétaire est très fier de sa réputation. «On a beaucoup de respect pour les gens qui brûlent les planches, qui osent présenter leur travail.» Jouer au Cab’, c’est des vacances : chambre d’hôtel, buffet et consommations attendent les artistes. «On fait parfois deux spectacles du même musicien deux jours en ligne, même si la salle est à moitié pleine, pour lui permettre d’être considéré comme en tournée et d’avoir accès à des subventions.» Marcel-Yves se sacrifie sans compter pour ses protégés. Tellement qu’il a manqué le premier rendez-vous que lui avait donné Montréal Campus. «Je suis vraiment désolé, je me suis endormi! On n’est pas assez fatigués durant ce FME-là, hein?»

Le guitariste des Contracteurs Généreux, Louis-Philippe Gingras, a grandi à deux pas du Cabaret. «Mon père est musicien et a joué dans la première soirée officielle de la place. Je suis la deuxième génération des adeptes du perron quatre saisons! [NDLR : La terrasse est aménagée hiver comme été]» Le jeune guitariste devenu grand considère maintenant le Cab’ comme sa salle de spectacles préférée: «Le son est bon, la salle est belle, le monde écoute.» Déménagé à Montréal depuis huit ans pour survivre en tant que musicien professionnel, Louis-Philippe revient régulièrement dans sa ville natale. «C’est le carrefour: je sais que si je viens au Cab’, je vais voir tout le monde que je connais et que j’aime.»

Sandy Boutin, du FME, partage cet avis. «Ce qui est particulier, c’est ce sentiment de se sentir chez soi: t’es à la maison, en famille. Le Cabaret, c’est vraiment une question de contacts humains entre les gens qui le fréquentent, qui l’opèrent et qui viennent s’y produire.»

Les Abitibiens pourront se sentir en famille au Cab’ encore longtemps. Marcel-Yves entend poursuivre ses activités et envisage de rénover sa petite salle de Rouyn-Noranda où il se sent à la maison, lui aussi. «Quand j’entre dans le parc de la Vérendrye, je suis chez nous! Je suis vraiment une épinette noire de l’Abitibi. En fait, je suis maintenant une épinette grise. Et je finirai en épinette blanche!»

 

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