Manifestation à but lucratif

Des manifestations éclairs en publicité

Photo picadillywilson, flycr - Les flashmobs envahissent les grandes villes du monde, dont Montréal. Cette bataille d'oreillers a eu lieu en septembre 2006, à Manchester, au Royaume-Uni.

Se battre à coups d’oreillers au Square Victoria ou danser dans une rame de métro: les flashmobs permettent d’égayer l’espace public de la métropole. Ces événements éclairs pourraient bientôt se marier à la publicité, pour le meilleur et pour le pire.

 

Le 15 janvier dernier, les Londoniens qui ont emprunté la station de train Liverpool ont eu droit à un spectacle différent de l’habituel musicien ambulant. À 11h tapantes, un medley musical a retenti des haut-parleurs de la station et 350 danseurs professionnels se sont lancés dans une chorégraphie endiablée. Au son de la dernière note, les artistes se sont dispersés comme si rien ne s’était passé, laissant les passants médusés. Le tout visait à promouvoir la compagnie de téléphonie cellulaire T-Mobile. Et le succès a été monstre: plus de huit millions de personnes ont visionné la performance sur YouTube.

L’un d’entre eux est le publicitaire montréalais Éric Langlois, fondateur de Trako Média, qui se spécialise dans le marketing non traditionnel, que ce soit à dos de scooter adapté ou avec un système d’écriture laser géant. Sa vision cadrait parfaitement avec les flashmobs, ces manifestations organisées sur la toile visant à réunir une foule dans un endroit public pour y commettre en groupe un geste inhabituel. «Après avoir vu le succès incroyable de cette campagne, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire là.»

Éric Langlois offre donc depuis peu aux entreprises québécoises d’organiser des flashmobs publicitaires. Il a conçu différents concepts originaux qu’il tente de vendre, notamment pour à organismes caritatifs, mais ne peut les décrire pour ne pas briser l’effet de surprise de telles campagnes.

Selon lui, les Montréalais n’hésiteront pas à gonfler les rangs de ses futures manifestations, même si elles ont un objectif commercial. «Les gens ont envie de s’amuser. Commanditaire ou pas, si c’est original, il y a du monde qui va s’impliquer.» Il utilise un groupe Facebook pour recruter des bénévoles et  250 personnes sont déjà inscrites.

Tous ne sont cependant pas aussi enthousiastes. Un ancien flashmober, David Ratté, ne recommencerait pas l’expérience si elle était mercantile. «Je ne ferais pas ça pour une compagnie. Je n’adhère pas à ça, faire de la pub gratos pour vendre des disques ou quoi que soit d’autre.»

L’arrivée des flashmobs en publicité n’étonne pas outre mesure le vidéaste Philippe Langlois, un organisateur de manifestations éclairs. «La publicité va utiliser tous les moyens possibles pour vendre son produit. Elle va récupérer chaque mouvement qui prend de l’importance. Le bon côté, c’est que c’est beaucoup plus créatif que de passer des dépliants.»


La nouveauté à tout prix

S’il compte organiser d’autres festivités en public, pas question pour lui de reprendre les concepts déjà faits. «Pour moi, un freeze (quand un groupe reste immobile pendant un certain nombre de minutes) ou une bataille d’oreillers, ce n’est pas assez, ça me prend un côté plus créatif, un peu plus original.» Pour son premier événement, il avait réuni une vingtaine de personnes pour chanter le vieux succès disco Love Is In The Air dans un wagon de métro de la ligne orange.

Éric Langlois croit que l’originalité est essentielle à la survie à long terme des flashmobs. Tout le concept est basé sur l’incongruité du geste; si c’est la septième fois qu’il y a une danse dans le métro, personne ne sera surpris. Pour lui, le renouvellement passe nécessairement par la publicité. «Les flashmobs sans commanditaire, ça va toujours être la même affaire. Avec l’argent de la pub, ça permet de développer des nouveaux concepts, des trucs qui sortent de l’ordinaire.»

Le publicitaire croit également que même s’ils se répandent sans cesse, les flashmobs n’ont pas dit leur dernier mot. «Il y a moyen d’innover avec des nouvelles idées pour garder ça vivant. Après tout, Oasis sort des nouveaux jus chaque année!»



Les manifestations éclairs montréalaises

Les flashmobs ne sont pas nouvelles à Montréal. La première répertoriée a eu lieu en 2003, quand près de deux cents personnes ont lancé des canards dans le bassin de l’esplanade de la Place des Arts en criant «coin coin». Plusieurs ont eu lieu en 2008, dont deux freezes (quand tout le monde s’immobilise pendant un nombre donné de minutes) et un combat dans les rues du centre-ville où les fusils étaient simulés avec les doigts. Une tentative de prendre le métro sans pantalon a cependant avorté cet automne, faute de participants. À l’exception des canards, tous ces concepts étaient inspirés de manifestations similaires qui s’étaient déroulées ailleurs dans le monde.

 

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