Les plans d’ajustement structurel (PAS), cela vous dit quelque chose? Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) les ont imposés, dès le milieu des années 1970, aux pays en développement qui contractaient des prêts auprès d’eux. Ces plans prônaient le désengagement de l’État et encourageaient les pays débiteurs à adopter des mesures facilitant l’accès aux ressources pour l’entreprise privée. À cause de cette libéralisation massive, les pays ayant eu recours aux crédits du FMI et de la BM ont été maintenus dans une situation de dépendance vis-à-vis des multinationales. Ils étaient également privés des revenus qu’auraient pu générer leurs richesses naturelles et amoindrissaient ainsi leur chance de rembourser les prêts contractés.
Si l’UQAM était un pays en développement, le plan stratégique 2009-2014 aurait tout l’air d’un PAS imposé par le ministère de l’Éducation. Les bases dudit plan ont été présentées le 8 novembre dernier à la communauté uqamienne. Les associations étudiantes, les syndicats et les facultés soumettent présentement leurs suggestions, avant que la Commission des études ne se penche sur le document en mars.
De prime abord, ce texte très succinct – 15 pages – peut sembler inoffensif. Il glorifie l’importance du savoir, de la recherche, de la création. Il prône la formation de personnes «compétentes, socialement responsables et capables de concourir à l’effort collectif de construire un monde pacifique, vert et prospère, protégeant les droits humains, estompant les frontières et valorisant la diversité.» Un magnifique refrain que l’on croirait tiré de l’Utopie de Thomas More.
Les choses prennent toutefois un autre ton dès la page suivante, lorsque l’Université décrit la mission qui lui est impartie. On y parle d’enrichir le savoir et la culture par la recherche et la création, de rendre accessible l’éducation aux différents âges de la vie, de mobiliser et diffuser les expertises en résonance avec les besoins de la société, de participer à l’innovation technologique et sociale, de concourir à la réflexion des enjeux collectifs. Encore une fois, sortez les violons!
Ce qui dérange toutefois n’est pas tant ce qui s’y trouve, mais plutôt ce qui ne s’y trouve pas. Et ce qui ne s’y trouve pas, mais qui figurait jusqu’à ce jour dans la mission de l’UQAM, est ceci: «rendre accessible la connaissance de pointe à tous les milieux sociaux et culturels». Fondamentalement, l’UQAM avait donc toujours soutenu une éducation universitaire accessible aux étudiants les moins nantis. Or, nulle part le nouveau plan ne fait mention d’une éducation universelle et abordable. Cette omission n’est que le premier signe du repositionnement idéologique de l’UQAM.
L’Université se tourne maintenant vers une forme d’aide financière beaucoup plus proche de ce qui a cours dans le reste du Canada et aux États-Unis. À savoir un soutien fourni par des bourses d’excellence, donc fondé sur le mérite et non l’égalité des chances. Ce procédé fait notamment la popularité de l’Université d’Ottawa, qui gratifie ses étudiants de bourses mirobolantes – 30 000$ pour la bourse du recteur. Il participe également à l’exode des étudiants québécois qui n’hésitent pas à franchir la frontière à la vue de ces montants alléchants. De quoi corrompre même les plus militants…
Pour attirer davantage d’étudiants aux cycles supérieurs, l’UQAM prévoit hausser les fonds de recherche et de création en faisant appel «aux fonds obtenus par les partenariats avec des entreprises, des organismes privés ou des groupes sociaux». Un autre signe d’une lente mais certaine intégration du secteur privé.
Si elle avait voulu affirmer son désengagement du réseau universitaire et promouvoir sa vision libérale, la ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, n’aurait pu mieux écrire ce plan. La réorientation stratégique de l’UQAM témoigne de sa réaction à la crise du système d’éducation postsecondaire. Elle se voit contrainte de réévaluer le modèle québécois d’égalité des chances devant la compétition féroce du marché mondial de l’éducation. Un marché où des universités disposent, grâce au secteur privé, de ressources financières qui font paraître risible le financement de l’État québécois. L’UQAM ne se voit plus dès lors comme un outil de répartition des richesses par l’accès aux études supérieures. Elle est désormais un lieu de rendement, dont le produit final est la recherche, la création et le développement; marchandises commanditées par l’entreprise privée et achetées par celle-ci. Un plan stratégique qui, on l’espère, ne donnera pas lieu à une dépendance du réseau universitaire, comme ce fut le cas avec les plans d’ajustement structurel.
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