Vendre son âme pour sauver l’UQAM

L’impatience est de plus en plus manifeste chez les syndicats de l’UQAM et elle est justifiée. Plus de 20 mois se sont écoulés depuis l’échéance des conventions collectives du Syndicat des professeurs (SPUQ) et du Syndicat des employés (SEUQAM).

 

Aucune entente n’a depuis été conclue avec la partie patronale. Pis encore, le SEUQAM et l’administration viennent à peine d’entamer les discussions. Elles ont commencé le mardi 10 février, à raison d’une fois par semaine. Une négociation au compte-gouttes qui désole le président du SEUQAM, Roland Côté. «Je ne peux que souhaiter que ça aille bien», espère-t-il.

Et rien n’est moins sûr à en juger par la situation de leurs collègues professeurs. Depuis environ un an et demi, 27 rencontres ont eu lieu entre le SPUQ et l’UQAM sans qu’ils aient abordé les questions salariales. Frustrés par la lenteur des négociations, 300 membres du Syndicat ont voté à 88% une «journée d’étude» – notez ici l’euphémisme – le 16 février, si l’administration ne coopère pas davantage.
Du côté du Syndicat des étudiants employés (SÉTuE), neuf mois «à peine» ont passé depuis l’échéance de leur convention. «On n’en est même pas à parler de négociations», soutient son président, Éric Demers. Le SÉTuE croise les doigts pour rencontrer son employeur le 15 février.
Les syndicats jugent avoir été suffisamment compréhensifs vis-à-vis de l’administration, compte tenu de la situation financière de l’institution. Rappelons qu’en septembre 2008, sa marge de crédit s’élevait à 275 millions de dollars. L’employeur pouvait alors difficilement discuter d’augmentation. Depuis l’entente entre l’Université et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) le 5 décembre dernier, cet argument peut difficilement être invoqué. En effet, l’accord libérait enfin l’UQAM du fardeau financier de l’îlot Voyageur et du Complexe des sciences. L’entente s’avère toutefois un véritable pacte avec le diable: vendre son âme pour sauver l’UQAM. Car si l’Université survit ,elle doit malgré tout se plier aux diktats ministériels en ce qui concerne sa gestion. Ainsi, elle doit retrouver l’équilibre budgétaire d’ici 2013-2014, même si l’ensemble de la communauté universitaire dénonce le sous-financement du réseau postsecondaire. De plus, fait surprenant puisqu’il n’a aucun lien avec la dérive immobilière, elle doit recourir à une firme externe pour effectuer une étude de balisage avant d’entreprendre les négociations avec les syndicats.
Selon le porte-parole de l’administration, Daniel Hébert, la firme mandatée, Aon, doit «analyser les conventions collectives existantes dans les autres universités et les comparer avec celles en vigueur à l’UQAM. Cette firme a également pour mandat de faire des recommandations au recteur puis au CA quant aux modifications susceptibles d’être apportées aux conventions collectives, de même qu’au mode de négociation lui-même.» Et, rassurez-vous, il n’y a aucun lien entre l’attribution du contrat et l’engagement financier de la firme auprès de la Fondation de l’UQAM par la remise des bourses Aon/Institut Santé et Société, assure Daniel Hébert.
Les syndicats sont perplexes devant cette imposition unilatérale du privé. Pour eux, c’est de l’argent jeté par les fenêtres puisque l’administration aurait malgré tout comparé les revendications syndicales à la situation des autres institutions, comme c’est l’usage dans de telles négociations.Comment justifier alors la décision du ministère? Comme une tactique pour appliquer sa vision libérale de la gestion universitaire, voilà tout. Le privé est non seulement nécessaire dans les conseils d’administration, mais également à la table des négociations. Le MELS se permet ainsi une ingérence grossière dans les relations de l’Université avec ses employés, et ce, même si la ministre Michelle Courchesne a déclaré à plusieurs reprises que la communauté uqamienne ne devait pas faire les frais de la gestion catastrophique de l’îlot Voyageur et du Complexe des sciences, dont elle n’est pas responsable.

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