L’Université à la poursuite des tricheurs

L’UQAM durcit son règlement sur le plagiat

La refonte draconienne du règlement 18 sur le plagiat, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, suscite des réactions mitigées chez les professeurs et les étudiants. Les nouvelles mesures sont sans pitié pour les tricheurs et prévoient l’emploi d’un mystérieux enquêteur… qui agira bénévolement.


 

La présidente du Comité sur l'intégrité académique et la révision du règlement 18 sur les infractions de nature académique, Diane Demers, compte faire la vie dure aux tricheurs récidivistes. Photo : Marie-Dominique Asselin
Entre 2000 et 2008, les cas de plagiat sanctionnés à l’UQAM ont presque triplé, passant de 57 à 148. Pour remédier à la situation, l’Université sort ses griffes contre les tricheurs. Une refonte du règlement sur le plagiat a été présentée au conseil d’administration le 25 novembre dernier. Le projet de 300 000 dollars est financé par une hausse des frais généraux et entre en vigueur dès cette session.

Parmi les modifications apportées, la plus importante est la nomination d’un responsable des dossiers d’infraction universitaire. «Le travail du responsable est de colliger les éléments de preuve. Il devra recueillir les témoignages de l’étudiant et de toutes les parties impliquées», explique la présidente du Comité sur l’intégrité académique et la révision du règlement 18 sur les infractions de nature académique, Diane Demers. Dorénavant, l’enseignant qui détecte un cas de plagiat devra le signaler avec un nouveau logiciel. Un enquêteur sera alors chargé d’amasser ces rapports et des pièces à conviction afin de prouver le plagiat de l’étudiant. Le dossier constitué sera ensuite transmis au Comité de discipline facultaire, qui jugera des sanctions à appliquer. Selon Diane Demers, ce justicier universitaire ne pourra pas sanctionner directement les cas de plagiat. «Le doyen de la faculté conserve tous les pouvoirs en matière de discipline.»

Une mission de taille attend le futur enquêteur. «Chaque division devra nommer un responsable pour s’occuper des cas de plagiat. Certaines facultés où les cas sont moins nombreux pourront se partager le même responsable», explique Diane Demers. L’identité de ce fin limier sera révélée par les facultés au courant de la session. «Le doyen choisira un coordonnateur ou un adjoint déjà membre du personnel professionnel permanent.» Le responsable devra alors combiner ses fonctions d’employé permanent avec son rôle d’enquêteur. Une double tâche qui ne lui apportera pourtant aucun avantage. «L’employé percevra le même salaire, il verra simplement ses fonctions augmenter lors des périodes de remises de travaux», explique Diane Demers.

Professeurs mitigés
L’idée de transférer le dossier d’un de ses étudiants à un enquêteur externe fait sourciller l’enseignante en informatique Louise Laforest. «Je détecte le plagiat chez mes étudiants. Je connais mes critères de correction, mes exigences.»

Le président du comité de discipline de la Faculté des sciences, Normand Séguin, trouve ce changement nécessaire. «Présentement, l’enseignant est responsable d’établir la preuve et de trouver le coupable. Parfois, les étudiants avisés commencent une négociation intense.» Pour ces raisons, plusieurs choisissent d’ignorer les cas de tricherie plutôt que de se lancer dans des démarches administratives interminables pouvant demander jusqu’à 20 heures, confie l’enseignant.

Un autre changement majeur apporté au règlement est l’escalade de sanctions en cas de récidive. «Actuellement, la mention plagiat n’apparaît pas au dossier de l’étudiant. Le directeur de programme n’est pas au courant de la situation et le directeur facultaire non plus», explique Diane Demers. Jusqu’ici, les cas de plagiat étaient réglés entre l’enseignant et l’étudiant et personne ne savais si ce dernier trichait dans un autre cours.

Les sanctions seront aussi plus sévère. Au programme: six paliers de sanctions, allant de l’échec de travail à l’expulsion définitive de l’Université. De plus, l’étudiant sera automatiquement sanctionné dès la première récidive, sans bénéficier d’une autre enquête du responsable.

Maintenant, les récidivistes seront suivis à la trace, promet Diane Demers. Dès la première offense, leur dossier sera marqué pour  le reste du cheminement universitaire, et ce, peu importe si les étudiants accusés de plagiat changent de programme ou s’ils entament des études aux cycles supérieurs.

Même si le règlement est déjà appliqué, la campagne de sensibilisation tarde à démarrer. Les associations étudiantes craignent d’ailleurs que leurs membres ne soient sanctionnés par ce règlement mordant sans en avoir été précédemment informés. «Le nouveau règlement doit être connu des étudiants. Ceux qui ne connaissent pas les nouvelles règles sur le plagiat pourraient être sanctionnés de manière injuste», s’inquiète le responsable aux affaires académiques de l’Association étudiante du secteur des sciences de l’UQAM (AESSUQAM), Alain Roy.

Cette refonte du règlement 18 répond toutefois à un besoin exprimé clairement par les étudiants, affirme Diane Demers. «Un sondage effectué sur le plagiat auprès des étudiants a été extrêmement populaire. Nous avons reçu plus de 3500 réponses en quatre jours», révèle la professeur du Département de sciences juridiques.

Course contre la montre
Amendé devant la Commission des études à peine quelques semaines avant sa mise en branle, le nouveau règlement 18 entre en vigueur dès le 1er janvier 2009. Cette application prématurée ne permettra pas une mise en place optimale du projet, estime Normand Séguin. «Les facultés ne sont pas prêtes à appliquer le refonte.»

Parmi les éléments manquant à l’appel se trouve le logiciel de gestion des infractions, qui doit être adapté afin de faciliter le travail des enseignants lors d’un cas de plagiat. Un processus qui ne pourra être complété avant le printemps 2009, estime l’enseignant en informatique. Pourtant, Diane Demers assure que le fameux logiciel sera prêt pour mars. «La moitié du travail est déjà fait. Il ne reste qu’à adapter le logiciel aux cas inclus dans le nouveau règlement.» Jusque-là, les enseignants devront se contenter de remplir des formulaires à la main.

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Avez-vous plagié sans le savoir?
Autoplagiat: Reprendre ou copier des passages ou la totalité d’un travail déjà déposé et évalué par l’Université.
Travaux d’équipe: Si un plagiat a été commis dans le cadre d’un travail d’équipe, tous les membres de l’équipe seront accusés.
Convocation: Un étudiant accusé de plagiat et qui ne se présente pas devant le Comité disciplinaire facultaire est automatiquement reconnu coupable.

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