Négociation des ententes d’évaluation
Cinq pour cent de plus par-ci, 10% de moins par-là, les négociations des ententes d’évaluation entre étudiants et professeurs peuvent tourner en véritables bras de fer. Si la pratique est répandue à l’UQAM, elle fait pourtant l’objet de nombreuses remises en question.
Des salles de classe se transforment présentement en véritables champs de bataille, alors que professeurs et étudiants se lancent des arguments parfois fumeux pour diminuer ou maintenir les exigences des cours.
En vertu du règlement de l’UQAM, une entente d’évaluation doit être établie entre l’enseignant et les étudiants au cours des deux premières semaines de la session pour fixer la pondération et les dates de remise des travaux. Cette pratique, typiquement uqamienne, vise à démocratiser le processus d’enseignement et à éviter des charges de travail abusives. Pour certains, elle donne cependant lieu à une négociation démesurée.
Lysanne Sénécal Mastropaolo, une étudiante en journalisme, a vécu une telle expérience dans un cours de sociologie. Elle a attendu plus de deux heures la fin des discussions relatives à l’un de ses plans de cours. Au fil des débats, elle avoue s’être même demandé si ses collègues les plus persistants voulaient vraiment travailler. «On jonglait avec des 5% pour aboutir à une entente qui ne différait pas tant que ça de l’initiale. Je me demandais si ça valait vraiment la peine de sacrifier du temps de cours pour de petits détails comme ça.»
Après des heures de pourparlers, certains professeurs peuvent être tentés de jeter l’éponge et de diminuer la charge de travail. Les nouveaux professeurs sont particulièrement vulnérables, selon la chercheuse au Département des fondements et pratiques en éducation de l’Université Laval, Chantal Leclerc. «Les cinq premières années d’expérience sont une période d’incertitude», souligne-t-elle. Les professeurs peuvent donc craindre les représailles. «Il y a toujours un risque de vengeance des étudiants par le biais des évaluations des enseignements en fin de session.»
Selon elle, l’harmonie des relations est en jeu lors des négociations. «Le lien entre professeur et étudiants est censé être une relation bienveillante. On n’est pas des ennemis.» Elle ajoute que les débats affectent de surcroît les relations entre étudiants. «Il y a des cours où quelques grandes gueules prennent la parole pour baisser les exigences. Aucun de leurs collègues ne va lever la main pour manifester son désaccord. Il va se faire lyncher! Le prof essaie de s’ajuster aux demandes, mais à un certain moment, c’est la qualité du cours qui est en jeu. Si les profs demandent des choses, c’est parce qu’ils pensent que c’est important.»
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle croit improbable l’implantation d’une telle pratique à l’Université Laval. «Nos spécialistes en évaluation des apprentissages s’y opposeraient. Ils diraient que c’est le professeur qui connaît la matière et qui sait ce qui doit être pondéré le plus.»
Autre faculté, autres mœurs
La culture de négociation varie non seulement d’une université à l’autre mais également d’une faculté à l’autre, selon le vice-président à la convention collective du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQAM, Jocelyn Armand. «Dans certains cas, il y a des procédures particulières, en fonction des règlements facultaires. C’est probablement en sciences humaines que l’on débat le plus. En sciences de la gestion, c’est souvent des plans cadres et les étudiants ne disent pas un mot.»
Le coordinateur à l’académique de l’Association facultaire étudiante de science politique et de droit (AFESPED), Philippe Lapointe, explique que dans les cours qui visent un apprentissage professionnel et qui mènent directement à un emploi comme en droit, en éducation et en comptabilité, la marge de manœuvre en vue des négociations est réduite. «Certaines exigences sont beaucoup plus strictes à rencontrer. Ces programmes suivent un cursus rigide imposé par un ordre professionnel dans le but d’y être reconnus. Le professeur n’est donc lui-même pas tout à fait maître de son plan de cours.»
Les associations étudiantes ne notent quant à elles pas de problèmes d’abus relatifs aux négociations des ententes d’évaluation. Elles se font plutôt un devoir d’informer les étudiants sur le règlement institutionnel et les encouragent à faire valoir leur droit. Pour elles, les négociations permettent aux étudiants de s’assurer que le mode d’évaluation soit varié et stimulant tout en évitant de trop grandes charges de travail. Le comité exécutif de l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté d’éducation de l’UQAM (ADEESE), fait dans cette optique une tournée de cours à chaque début de session. À l’AFESPED, le Guide de Survie distribué aux étudiants rappelle les procédures à suivre et donne quelques conseils tels qu’éviter la notation de la présence en classe ou favoriser les co-évaluations par lesquelles les étudiants ont l’occasion de prendre part à l’évaluation de leur travail.
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