Un GPS, des bottes de pêcheur, de bons gants – pour les renards – , une logique implacable et une discrétion à l’épreuve des non-initiés. C’est tout ce qu’il faut pour se convertir au géocaching, une sorte de chasse au trésor hi-tech qui séduit les aventuriers en herbe et leur fait prendre le chemin du bois.
Le 8 novembre, les Lavallois qui ont voulu monter dans le dernier wagon du métro arrêté à la station Montmorency ont dû s’arrêter net. Quelque 90 adeptes du géocaching, ou géocacheurs, s’y trouvaient déjà, GPS à la main, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. La rencontre-éclair organisée par l’association Géocaching Québec consistait à prendre le train de 13h00 jusqu’à la station Jean-Talon, puis à se disperser quelques minutes après avoir posé pour la postérité. L’événement, qui se déroulait simultanément dans plusieurs villes du monde, pouvait ensuite être enregistré par les participants comme une cache à part entière.
Avis aux non-initiés: dans le jargon propre au géocaching, le terme «cache» désigne un contenant numéroté allant de la taille d’une balle de fusil (pour les nano-caches) à celle d’un baril de lessive. Les caches contiennent toujours un carnet de bord sur lequel les géocacheurs inscrivent leur nom pour prouver leur passage, ainsi que divers objets d’échange, de valeur plutôt modeste: de magnifiques pièces métalliques numérotées, appelées géocoins ou travelbugs, des jouets pour les enfants ou des bibelots significatifs. À l’heure actuelle, plus de 683 000 de ces micro-trésors pas vraiment précieux ont été dissimulés par les géocacheurs du monde entier, dont plus de 12 000 au Québec.
Ce n’est donc pas par appât du gain qu’on se met au géocaching. «Souvent, les gens à qui j’en parle ne comprennent pas pourquoi j’aime tant ça puisqu’on ne gagne rien», rigole Carole Corson, que les adeptes du géocaching connaissent mieux sous le surnom d’Ambrières. Pour la jeune sportive, passionnée de randonnée, le plaisir n’est pas tant de trouver que de chercher. Après avoir téléchargé les coordonnées géographiques d’une cache sur le site nord-américain Geocaching.com, le géocacheur les programme dans son Global Positioning System (GPS). En vélo, en canot, en voiture ou à pied, il se rend ensuite sur les lieux indiqués par l’appareil à la recherche de la cache convoitée.
La chasse aux caches se corse toutefois sur le terrain. «En ville, les ondes des GPS se répercutent sur les immeubles et la résolution est mauvaise. La cache peut se trouver n’importe où dans un assez grand rayon de terrain», explique Carole Corson. En ajoutant les inévitables changements saisonniers, le défi se complique davantage. «Une fin de semaine où j’étais vraiment décidé à trouver le plus de caches possibles, j’en ai fait avec de l’eau jusqu’au cou dans des terres inondables, en Montérégie», se souvient le jeune géocacheur Yannick Albert, l’un des premiers Québécois à avoir adhéré au mouvement naissant, en 2001.
Parlez-vous géofrançais?
Les géocacheurs, particulièrement ceux qui «pratiquent» en ville, rivalisent souvent d’ingéniosité afin de ne pas se faire apercevoir par les non-initiés. «Il est important pour nous de ne pas être vus par les géomoldus quand nous plaçons ou trouvons des caches, surtout pour éviter qu’elles soient vandalisées», explique le président de l’association Géocaching Québec, Pierre Gaudreault, alias Ti-Pou. Faux boulons dévissables sur les panneaux de signalisation ou micro-caches aimantées deviennent alors les meilleurs alliés des chasseurs de trésor.
Néologisme rigolo formé par des géocacheurs amateurs d’Harry Potter, le mot «géomoldus», ou moldus tout court, désigne les non-initiés. Il revient souvent dans les récits publiés dans les forums de Géocaching Québec. «Il n’y a pas une fois où je remplis mes fiches sur Internet sans raconter d’histoire de moldus», confirme Carole Corson en riant.
Leur jargon particulier permet aux géocacheurs de se reconnaître lorsqu’ils se croisent entre deux caches. «Il se crée ni plus ni moins qu’une immense communauté de géocacheurs qui créent des caches-rencontre, partagent leurs expériences, comparent leurs GPS ou s’échangent des géocoins», observe Pierre Gaudreault.
La tendance s’observe aussi sur le terrain, avec le nombre grandissant de géocacheurs faisant équipe. «J’ai pris goût à la compagnie et j’organise régulièrement des excursions avec des collègues. Je peux alors trouver plus de caches, mon record étant de 91 en une journée», explique Carole Corson. Celle qui court les caches depuis 2006 en a déjà 6 397 à son actif, ce qui la place en troisième place du palmarès des géocacheurs québécois.
Cache sans tache
Depuis les premières caches posées en sol québécois en 2001, le nombre de géocacheurs ne cesse de croître. Peut-être trop pour Yannick Albert. «Je trouve qu’il y a trop de caches maintenant. Lorsque dans un seul boisé il y en a une cinquantaine, elles ne sont pas toutes originales. Il faut aussi retourner plus d’une fois dans le même secteur pour toutes les trouver.»
Le jeune homme a récemment accroché son GPS pour des raisons personnelles, mais estime avoir beaucoup retiré de son passe-temps. «Le géocaching m’a fait découvrir des endroits, même sur la Côte-Nord, d’où je viens, que je n’avais jamais remarqués. C’est ce qui fait le charme des caches de région, par rapport aux caches de ville. Et l’hiver, en raquettes, c’est encore mieux.»
Pour Pierre Gaudreault, c’est son lien étroit avec les sports de plein-air qui fait l’intérêt du géocaching. «Ce qui est le fun, c’est que cette activité se pratique avec n’importe quel autre sport: vélo, canot, randonnée… Toute activité de plein-air devient un alibi pour faire du géocaching.»
Aventuriers de 7 à 77 ans
Si plusieurs géocacheurs étaient déjà de grands sportifs avant de chasser la cache, certains sont passés de sédentaires à amateurs de grand air grâce à cette nouvelle activité. «Toutes les tranches d’âge pratiquent le géocaching, explique Pierre Gaudreault, ça va des enfants de deux ou trois ans jusqu’aux adultes de 70, même 80 ans. Les gens se disent: tant qu’à marcher, aussi bien en profiter pour faire des caches!» Yannick Albert remarque pour sa part que la moyenne d’âge des adeptes est plutôt élevée. «De plus en plus de gens à la retraite pratiquent le géocaching parce qu’ils ont plus le temps de s’y consacre. Les jeunes enfants sont aussi souvent de la partie parce qu’ils adorent l’idée de la chasse au trésor», ajoute Carole Corson.
Un phénomène qu’illustre bien le couple formé par Claude et Claire Latour, qui pratiquent le géocaching ensemble sous le pseudonyme de K9Laval. Chez les Latour, une nouvelle génération de géocacheurs est déjà en formation. «Le jour même où mon petit-fils est né, nous lui avons ouvert un compte de géocacheur, explique en riant la jeune grand-maman. Ses parents sont des moldus, mais ce n’est pas trop grave. Il sera prêt s’il veut en faire avec nous!»
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